En cette période de Pâques, les jours rallongent et le soleil brille un peu plus fort. L’occasion de faire le plein de cette lumière bienfaitrice pour l’organisme.
« On a longtemps pensé que la lumière n’était importante que pour la vision », témoigne Claude Gronfier, chronobiologiste à l’Institut cellule souche et cerveau de Lyon 1.
Mais depuis une vingtaine d’années, les choses ont changé. « En 2002, dès la découverte de nouvelles cellules dans la rétine qu’on appelle les cellules ganglionnaires à mélanopsine, nous avons appris que la lumière était impliquée dans tout un ensemble de fonctions qui ne sont pas visuelles. » Et, depuis, les chercheurs s’attellent à identifier les influences de la lumière sur l’organisme. Et elles sont multiples : nos performances cérébrales, notre humeur, notre santé mentale, notre sommeil, notre mémoire…
1. La lumière nous indique l'heure
Pourquoi avons-nous faim quand approche midi ? Pourquoi avons-nous sommeil à l’heure de la sieste ou au coucher ? Parce que notre corps possède une horloge qui mesure le temps. On l’appelle horloge circadienne (de « circa », autour de, et « diem », le jour). « C’est une horloge cyclique, qui revient à son point de départ toutes les 24 h », explique Nicolas Cemakian, qui dirige le Laboratoire de chronobiologie moléculaire à l’université McGill (Montréal, Canada).
Cette horloge interne possède son propre tempo. Mais en l’absence de lumière du jour, elle se décale un peu chaque jour. Elle est donc resynchronisée en permanence par des signaux qui lui viennent de l’extérieur. Et le plus puissant d’entre eux est… la lumière !
Les repas, l’activité physique, la température extérieure jouent aussi un rôle, mais il est plus modeste. La lumière captée par les cellules de la rétine permet donc de remettre nos pendules à l’heure ! Ces cellules renferment un pigment capteur de lumière appelé mélanopsine. Quand de la lumière lui parvient, l’énergie qu’il reçoit lui permet d’enclencher toute une séquence de réactions chimiques qui envoient des signaux au cerveau.
Quand l’horloge se dérègle
Notre corps fonctionne bien quand il produit des gènes au bon moment de la journée. Les deux tiers de nos gènes sont ainsi exprimés de manière cyclique au cours des 24 h. Quand la nuit s’installe, l’hormone du sommeil est produite, les souvenirs sont stockés, la température du corps baisse. Certaines fonctions ralentissent : les battements du cœur, les contractions intestinales, la production d’urine…
Le matin, la température remonte et les hormones du sommeil s’effacent. L’éveil est maximal en milieu de matinée et en fin d’après-midi, quand la tension sanguine a remonté, et que les muscles et le cerveau sont alimentés en énergie pour assurer leur activité. Les sensations de fatigue viennent souvent d’un manque de considération pour ce rythme naturel et d’un dérèglement de l’horloge interne. Pour favoriser une bonne synchronisation des fonctions du corps, rien de tel que de s’exposer à la lumière naturelle du soleil. C’est-à-dire, sortir !
2. La lumière naturelle du matin favorise la perte de poids
Plus on s’expose tôt à la lumière, moins on est gros ! C’est le résultat d’une étude menée en 2014 par des médecins de la Northwestern University aux États-Unis. Ils ont observé que les personnes qui s’exposent à la lumière tôt le matin ont un indice de masse corporelle (IMC) significativement plus bas que celles qui s’exposent plus tard dans la journée. Et ceci indépendamment de leur âge, de leur activité sportive ou de leur diète.
Car la lumière synchronise l’horloge circadienne qui, elle, régule les périodes de dépense ou de stockage de l’énergie. C’est elle, en effet, qui favorise la mise à disposition de sucre dans la journée, quand l’organisme est censé être plus actif. Selon cette étude, 20 à 30 min de lumière du matin suffisent à affecter votre poids. Mais de quelle lumière s’agit-il ? Selon l’étude, il faut au moins 500 lux, c’est-à-dire une intensité supérieure à la plupart des environnements intérieurs (qui fournissent entre 200 et 300 lux) mais largement fournie par la lumière du jour (plus de 1 000 lux).
3. La lumière artificielle du soir fait grossir
Trop de lumière artificielle, trop tard, favorise l’obésité. C’est ce qu’ont constaté des médecins de l’université britannique d’Oxford en 2014 en observant l’hygiène lumineuse de 113 000 femmes. Ils ont découvert que les femmes avaient la taille plus large si leur chambre à coucher était suffisamment éclairée pour voir d’un mur à l’autre.
Or, nos chambres à coucher sont de plus en plus lumineuses : dehors, les rues sont éclairées par les réverbères et les écrans publicitaires, les jardins garnis de lampes solaires, les voitures plus nombreuses… À l’intérieur, les diodes des appareils électriques diffusent une légère lumière, les écrans en veille s’allument, quand ce n’est pas la veilleuse du petit dernier qui nous éclaire. Donc, pour une bonne hygiène lumineuse, fermez les volets, installez des rideaux opaques, éteignez les appareils électriques, bannissez les veilleuses et les écrans des chambres.
4. La lumière stimule les capacités cognitives des enfants
En 2016, François Duforez et Damien Léger, du Centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu de Paris ont suivi les résultats scolaires d’enfants de CM2 en fonction de la luminosité de leur classe. Ils montrent que lors des périodes de baisse d’attention, en début de matinée quand les élèves ne sont pas bien réveillés ou en début d’après-midi à l’ « heure de la sieste », une lumière plus intense et plus blanche les stimule. Ils apprennent mieux, réagissent plus vite et leurs résultats sont meilleurs. En revanche, en fin de journée, avant le retour à la maison, les lumières plus douces, plus chaudes, leur permettent d’être plus calmes.
5. À haute dose, les Led peuvent être toxiques
Jusque dans les années 1990, les diodes électroluminescentes (Led) servaient uniquement de témoins dans les appareils électroniques. Elles n’étaient disponibles qu’en rouge, jaune et vert. Puis, on a inventé la diode bleue… Recouverte de phosphore jaune, elle pouvait même fournir une lumière blanche intense.
Les ampoules Led ont désormais remplacé les ampoules à incandescence car elles sont plus efficaces et consomment environ dix fois moins d’électricité pour fournir la même luminosité. Leur usage s’est généralisé dans l’éclairage des maisons, les écrans lumineux, les phares des véhicules… Revers de la médaille, leur lumière est plus riche en longueurs d’ondes bleues. Non seulement, ces longueurs d’ondes sont plus énergétiques, mais en plus, c’est la longueur d’onde à laquelle nos cellules ganglionnaires à mélanopsine sont les plus sensibles. Il faut donc les utiliser à bon escient.
En mai 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) met en garde contre leurs dangers. Elle souligne que ces éclairages peuvent conduire à une baisse de la vue. L’exposition à la lumière bleue peut aussi contribuer à long terme à la survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). À la maison comme au bureau, préférez la lumière du jour à l’éclairage artificiel, évitez les lampes trop puissantes.
6. Le soir, une lumière, même faible, empêche de dormir
Il fait jour ! Voilà l’information que votre cerveau reçoit quand vos yeux sont exposés à une lumière forte. Cette information perturbe l’horloge biologique interne qui, notamment, gère les cycles de veille et de sommeil. La synthèse de la mélatonine est inhibée. Car cette hormone, surnommée « l’hormone du sommeil », est produite dans l’obscurité, en début de nuit. Elle favorise le déclenchement du sommeil.
Difficile donc de dormir avec la lumière. Éclairer la cellule d’un prisonnier en permanence est d’ailleurs un mode de torture bien connu… Et on a découvert que même une lumière faible, comme une bougie, peut bloquer la sécrétion de mélatonine. Mais le pire pour le sommeil reste la lumière bleue des Led. Celle-ci active en effet 70 fois plus les récepteurs photosensibles non visuels de la rétine que la lumière blanche d’une lampe fluorescente de même intensité. Or, c’est la lumière des écrans d’ordinateurs et des smartphones. Le soir, pour bien dormir, il faut bannir les écrans 2 h avant d’aller au lit.
7. Une bonne lumière artificielle peut se substituer à la lumière du jour
Travailler ou vivre dans un endroit sombre, coupé de la lumière du jour (un bureau sans fenêtre, un centre spatial, un avion transatlantique) peut conduire à une dérégulation de l’horloge biologique. Avec des conséquences graves (troubles du sommeil, de la vigilance, dépression, problèmes cardiovasculaires, prise de poids…). Mais une bonne lumière artificielle peut, dans ces conditions, remplacer la lumière du soleil. C’est ce qu’ont montré Claude Gronfier et son équipe en testant des éclairages artificiels sur des groupes de scientifiques travaillant dans la nuit de l’hiver polaire, en Antarctique. Il faut utiliser pour l’éclairage en journée une lumière enrichie en longueurs d’ondes bleues. Résultat, une hausse de la motivation, de la concentration, et un sommeil plus long. Ce résultat est applicable à tous les lieux à faible luminosité comme les usines, les centres commerciaux, les supermarchés…
8. On se remet mieux du décalage horaire en s'exposant à la lumière
Le décalage horaire est dû à la désynchronisation de l’horloge interne et de l’horaire extérieur. Quand vous vous rendez dans l’Hexagone, vous expérimentez un décalage horaire de 4 à 6 h. C’est-à-dire que votre corps est encore en plein éveil (température élevée, mode « dépense énergétique » activé, tension cardio-vasculaire maximale) quand l’horloge affiche 22 h. Impossible de trouver le sommeil. Mais le matin, quand le réveil sonne à 7 h, votre horloge interne, elle, est encore réglée sur 2 h du matin, le pouls est faible, la tension basse, et la motivation au ras des pâquerettes.
Pour faire passer ce moment désagréable, il faut resynchroniser votre horloge interne. Et pour cela, rien de tel qu’une exposition au soleil du matin. Avec un bon bain de soleil, vous réalignerez plus vite votre horloge interne avec l’horloge externe. Au retour, même stratégie. Mais cette fois, exposez-vous au soleil de fin d’après-midi. Votre organisme comprendra vite qu’il n’est pas l’heure d’aller se coucher, et se resynchronisera.
9. La lumière est bonne pour les os
Les ultraviolets, une composante du rayonnement solaire, sont essentiels à notre organisme. Ils fournissent l’énergie nécessaire à la transformation de certaines substances de nos cellules (un dérivé du cholestérol ou d’ergostérol) en vitamine D. Sans lumière solaire, pas de vitamine D ! Or, cette vitamine joue un rôle primordial, car elle permet de fixer le calcium et le phosphore dans nos os. Les enfants en ont besoin pour grandir, et les grands pour maintenir leur squelette solide notamment prévenir l’ostéoporose chez les personnes âgées. Il faut 15 à 30 min d’exposition chaque jour pour une bonne santé des os.
10. Le soleil diminuerait l'hyperactivité
En comparant une carte de l’ensoleillement des États-Unis et une carte de prévalence du trouble de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH), des chercheurs du Research Institute Brainclinics (Pays-Bas) ont eu une révélation. Selon leur analyse, un tiers des cas de TDAH chez les enfants et jusque 57 % chez les adultes s’expliqueraient par un manque d’ensoleillement. On ne connaît pas encore le mécanisme de cet effet, mais les chercheurs suggèrent que l’ensoleillement pourrait favoriser l’équilibre des périodes d’éveil et de sommeil, et notamment aider les personnes susceptibles de développer ce trouble à tirer parti d’un sommeil réparateur.
11. La lumière combat la dépression
Depuis quelques années, la luminothérapie est utilisée contre la dépression. Il s’agit de s’exposer 20 à 30 min à une lumière très intense (aussi intense que la lumière du jour). Cette exposition permettrait de resynchroniser une horloge interne défaillante, et se montre très efficace contre la dépression saisonnière. Mais sous nos latitudes, ce type de dépression est rare. En période d’hivernage, nous bénéficions d’un soleil encore très généreux, bien meilleur pour la santé et moins coûteux qu’un appareil de luminothérapie. Une bonne sortie en pleine nature suffit à se resynchroniser !
12. Elle participe à la lutte contre la dégénérescence cérébrale
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis viennent de révéler que la lumière associée à des ultrasons permettrait d’éliminer les plaques amyloïdes, en grande partie responsables de la maladie d’Alzheimer. Ils ont exposé des souris (avec des symptômes induits d’Alzheimer, c’est-à-dire des souris traitées pour adopter un comportement semblable) pendant 1 semaine (1 h par jour) à de la lumière stroboscopique (40 flashs par seconde) et à des sons de 40 hertz.
Cette technique a servi à recréer les ondes cérébrales perdues à cause de la maladie. « Lorsque nous combinons stimulation visuelle et auditive pendant 1 semaine, nous constatons l’engagement du cortex préfrontal et une réduction très spectaculaire de l’amyloïde. » Des résultats prometteurs qui doivent encore être testés sur l’homme.
En abuser, ça craint !
Si la lumière est une source de bienfaits, il ne faut pas en abuser non plus. Les cellules qui captent la lumière au fond de l’œil, au niveau de la rétine, peuvent être endommagées par une lumière intense. Sous l’effet des rayonnements infrarouges, elles chauffent. Et cela peut provoquer leur mort. Donc sortez, mais n’oubliez pas vos lunettes de soleil, surtout en bord de mer. La peau souffre aussi de trop de lumière. Le rayonnement solaire chauffe les cellules de la peau et peut les brûler. C’est le coup de soleil qui touche les peaux de toutes les couleurs. Il peut même laisser des cicatrices.
À long terme, si l’on s’expose trop longtemps et à des heures de fort ensoleillement, le rayonnement solaire accélère le vieillissement de la peau, favorise l’apparition de taches et de rides. Enfin, surtout, les ultra-violets du rayonnement solaire peuvent altérer l’ADN de vos cellules, les conduire à muter et devenir cancéreuses. N’oubliez pas votre crème solaire !