Wilhem Bélocian et Laetitia Bapté ont brillé aux Championnats d’Europe en salle. Derrière ces succès, se cache Ketty Cham, une femme discrète qui a su hisser haut les couleurs de l’athlétisme antillais.
Ketty, quel est ton parcours en tant qu’athlète ?
J’ai commencé par le Sport études de Baimbridge. J’étais entraînée par Victor Sesostris qui m’a orientée sur le 100 m haies. Ma meilleure performance fut une 3e place des championnats de France 1989 juniors. Je suis ensuite partie en Métropole faire mes études à l’UFR Staps de Grenoble, où je suis restée jusqu’à l’année du master. La licence avec la spécialité « entraînement » en poche, j’ai pris conscience que je préférais entraîner qu’être athlète.
Quelle satisfaction trouves-tu à entraîner ?
Depuis mes premiers programmes d’entraînements, j’ai pris conscience que j’adore mûrir une planification, en choisissant les petits plus qui seront une clé de la performance. La très haute performance se joue sur des détails, tant la densité des compétiteurs au niveau mondial est grande. J’aime les émotions que je ressens en compétition, voir mes athlètes réussir, après m’être régulièrement remise en cause, pour les amener à ce niveau. Il me tient à cœur de contribuer à faire d’eux des hommes ou des femmes.
Comment as-tu vécu le titre européen de Wilhem Bélocian ?
J’étais chez moi, en Guadeloupe, et je me levais dès 4 h du matin pour suivre les épreuves qui se déroulaient en Pologne. J’ai ressenti beaucoup de fierté quand Wilhem a gagné. Bien évidemment, il y a aussi une immense joie, quasiment incommensurable. Wilhem s’est vraiment arraché sur la ligne d’arrivée pour l’emporter en 7’’42 devant l’Anglais Pozzi qui était vraiment très fort. Au-delà de la victoire, il faut retenir la régularité de Wilhem sous les 7’’50 cet hiver. Ce qui prouve qu’il a franchi un cap chronométrique.
Quel est ton plus beau souvenir en tant qu’entraîneur ?
Très clairement, la course d’Aurore Kassambara, la première de mes athlètes à faire les minimums olympiques au meeting de Monaco, en 2008. Elle court 55’’28 sur le 400 haies ce jour-là. J’étais à la maison, à regarder le meeting à la télévision. Je me souviens être tombée à genoux en regardant sa performance. J’étais sidérée de ce qu’elle venait de faire. Elle a ensuite été sélectionnée aux JO sur le relais 4 x 400 m féminin.
Ton pire souvenir ?
La blessure de Wilhem en stage de préparation en 2019, juste avant les mondiaux de Doha. Un cauchemar. Il se blesse aux ischio-jambiers au pire moment, alors qu’il vient de gagner le 110 m haies des championnats de France élite. Il aurait pu avoir de grandes ambitions, s’il avait été en pleine possession de ses moyens. Avec la blessure et 6 semaines d’arrêt, cela devenait difficile. Wilhem est quand même parvenu à atteindre les demi-finales des championnats du Monde, mais il était vraiment très diminué, loin de ses chronos habituels.
Quel est ton secret pour avoir d’aussi bons résultats ?
Avant tout, garder une rigueur dans la méthodologie et savoir écouter. Par exemple, en ce début de saison, Wilhem ne voulait pas faire de séances techniques, de gammes classiques parce qu’il pensait qu’il n’en avait pas besoin. J’ai dû lui faire comprendre la nécessité de réviser ses bases, même si ses qualités techniques constituent son gros point fort. Je cherche avant tout à m’adapter au niveau de l’athlète. Je suis plutôt directive, dans une relation descendante pour les débutants et sur l’échange avec les athlètes élites. En toute circonstance, je reste le chef d’orchestre qui pilote le projet de performance.
Quels sont tes objectifs pour les JO de Tokyo et Paris ?
Ma mission est de tout mettre en œuvre, afin que des Antillais se qualifient aux JO. La médaille est un objectif réaliste pour Wilhem, dès cette année aux JO de Tokyo. Les minimums sont de 13’’18 pour la Fédération, ce qu’il a déjà réalisé en 2020. La Fédération internationale (IAAF), elle, impose 13’’32, un niveau qu’il maîtrise désormais sur quasiment toutes ses courses. Avec ses performances de cet hiver, il doit pouvoir se situer autour des 13 secondes, ce qui le mettrait parmi les trois ou quatre meilleurs mondiaux. La pression sera sur l’Américain Grant Holloway qui a battu le record du monde en salle du 60 m haies cet hiver. Pour Fanny et Laetitia, la sélection aux JO est un vrai challenge qu’elles sont pleinement en mesure de réussir. Il leur faudra battre leur record personnel et signer un chrono sous les 12’’84 pour obtenir le billet qualificatif pour Tokyo.