La quasi-totalité des plages de Guadeloupe et de Martinique reculent de 50 cm à 1 m chaque année, estime le Bureau de recherches géologiques et minières des Antilles. Pourquoi, quelles conséquences et, surtout, quelles solutions ? Réponses.
« Quand on vient tous les jours à la plage, on ne s’en rend pas compte, mais la mer nous a bien grappillés », commente Cédric Cétout, Saint-Franciscain installé sous un carbet de la plage des Raisins-Clairs. Le niveau de la mer est monté. L’érosion a mis au jour un ancien cimetière d’esclaves, très brièvement protégé par des barrières. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de la Guadeloupe a étudié le phénomène. Mais aucun aménagement durable n’a été mis en place par la commune depuis l’apparition des premiers ossements entre 2013 et 2015.
40 m de perdus !
« À Saint-François, on estime qu’il y a déjà 40 m de perdus depuis les années cinquante. On note un recul de la plage d’1 m tous les 2 ans », détaille Ywen de La Torre, le directeur régional du BRGM. Cette tendance se confirme sur tout le littoral de la Guadeloupe et de la Martinique. Si l’origine de l’érosion est naturelle, elle est accentuée par la présence et l’activité humaine, le réchauffement climatique et l’augmentation du niveau de la mer. « Ça fait 20 000 ans que la mer remonte et vient grignoter le littoral, petit à petit. Mais on estime qu’avec le changement climatique, l’élévation du niveau de la mer atteindra 1,40 m à l’horizon 2100. On a des sites qui pourraient reculer de plus de 50 m », souligne le directeur du BRGM qui rappelle l’urgence de réagir, de « revégétaliser ou recharger en sable ».
Montagne Pelée
Pour comprendre ce phénomène, il est « aussi important de prendre en compte le contexte géologique », rappelle Clément Bouvier ingénieur au BRGM de Martinique. « On est dans un moment géologique où les stocks sédimentaires sont assez réduits. » Les sédiments sont des particules en suspension dans l’eau qui s’accumulent sur le littoral. Les côtes sont alors « endommagées », explique l’ingénieur, par « l’érosion lente et globale qui atténue la résilience des littoraux » face aux phénomènes naturels plus soudains, connus aux Antilles, comme les ouragans Irma et Maria en 2017, et les éruptions. Au Prêcheur, en Martinique, « un petit quartier a perdu plus de 50 m de plage en 50 ans. C’est lié à l’éruption de la montagne Pelée. En 1902, énormément de sédiments ont été déposés. Mais ces éléments fins et meubles, provenant de la lave et des coulées de boue, sont vite repartis, rendant la zone plus vulnérable ».
13 personnes relogées
Et lorsque le littoral érodé est habité, la seule solution reste de partir. C’est le cas à Petit-Bourg en Guadeloupe où une dizaine de personnes ont été relogées, depuis le début du plan de relogement en février 2020, soit en prêt social location-accession, soit en évacuation d’urgence lors des fortes intempéries de novembre 2020, explique Virginie Bonot, directrice adjointe des projets de la Ville de Petit-Bourg. Au total, « 80 constructions sont situées dans la zone dite de menace grave pour la vie humaine. Et parmi ces logements, 40 sont occupés ».
Elles refusent de partir
Certaines des maisons sont installées sur la bande des 50 pas géométriques qui appartient à l’État. Plusieurs personnes sont installées ici sans droit ni titre et la régularisation est impossible puisque le Plan de prévention des risques naturels (PPRN) a classé la zone en « rouge ». « On est dans un cadre juridique technique qui est lui-même complexe », commente David Percheron, sous-préfet de Guadeloupe. « Il y a une pluralité d’acteurs qui sont intéressés, que ce soit l’État, la commune, l’Agence des 50 pas géométriques. Mais il y a aussi des questions juridiques. On a affaire bien souvent à une population qui est vulnérable, précaire, qui a peu de moyens. Et puis évidemment, il y a la question humaine qui est peut-être la plus complexe. Les personnes souvent âgées refusent de quitter leur bien. »