Apprendre les mathématiques et l’anglais, c’est bien. Apprendre la gentillesse et l’empathie dès le plus jeune âge, c’est encore mieux ! On obtient des élèves plus compréhensifs, calmes, solidaires et attentionnés. Tout un programme…
Parler de bonté et de partage, comme dans un cours d’éducation civique, n’est pas suffisant. Il faut mettre en application la théorie ! Au programme : apprendre à détecter si l’autre a besoin d’aide, se mettre à sa place, mieux gérer ses émotions pour mieux s’entendre avec les autres. L’enseignant (et les parents aussi !) peut apporter cet espace sécuritaire.
Le mur des humeurs
Le Danemark est le premier pays à l’initiative de cette petite révolution. Depuis 1993, 1 h par semaine, chaque élève de 6 à 16 ans participe à des « cours d’empathie ». Et c’est obligatoire ! Ce temps d’échange permet aux enfants, dans une atmosphère de confiance, d’exprimer leurs émotions, sans filtre (« Ce week-end, j’ai été jalouse de ma sœur. »), d’exposer leurs difficultés, sans jugement. Des solutions sont ensuite trouvées, ensemble. Ce pays, qui a tout misé sur l’éducation, a donné le ton. Depuis, les Russes ont également intégré des cours de gentillesse dans leur programme. Les enfants rencontrent des personnes en situation de handicap. Ils essaient de comprendre la difficulté de leur réalité, et se prêtent par exemple à des jeux d’imitation, comme traverser la classe avec les yeux bandés…
Aux Pays-Bas, des ateliers d’entraide sont mis en place, les « mentoring », où petits et grands participent à des activités communes, comme aider à faire les devoirs, cuisiner, ou réaliser un spectacle, développant ainsi des comportements prosociaux. En France, à Trappes, depuis 2014, une école s’est lancée dans une éducation basée sur l’empathie. Les enfants sont libres, à tout moment, de se lever et d’indiquer l’émotion qu’ils ressentent sur le « mur des humeurs ». Ils seraient plus attentionnés, plus calmes et solidaires.
Moins de violence
Il a été remarqué que les mineurs délinquants, au moment du passage à l’acte (qu’ils considèrent comme seul moyen d’exprimer leur mal-être), manqueraient d’empathie. Ce travail éducatif, dès le plus jeune âge, permettrait donc de prévenir la violence. L’empathie est une disposition à reconnaître l’autre, comme une possible version de soi. Ce que l’autre vit, je l’ai peut-être déjà vécu, ou je pourrais le vivre un jour. Donc, si je me mets à sa place (sans souffrir), si j’essaie de le comprendre, j’aurais moins tendance à le critiquer ou à faire preuve de méchanceté envers lui.
Ainsi, les actes violents, l’intolérance, la moquerie et/ou l’humiliation, et le harcèlement dont les enfants peuvent être victimes, laissent place à la compréhension et l’acceptation de l’autre dans sa différence, sa façon de voir et de vivre le monde. De plus, ces qualités humaines mènent à un bien-être, à une bonne santé mentale. Le Danemark en est la preuve. Il est reconnu, chaque année depuis 2012, comme l’un des pays les plus heureux au monde, où confiance, solidarité et respect sont la base de la société. Un bel exemple à suivre…
Mise en pratique
Le morning meeting
Commencez la journée par un rassemblement en cercle. Demandez aux enfants de se saluer par leur nom, de s’informer sur qui est présent ou absent, sur le temps qu’il fait, sur qui sourit ou pas… Invitez les élèves à partager avec la classe des nouvelles intéressantes, leurs pensées, sentiments et idées d’une manière positive. Cela permet de pratiquer leurs compétences d’accueil, d’écoute, de tisser un lien qui soude la classe.
La méthode ARER : s’arrêter, respirer, écouter, répondre.
Un élève dit à l’autre ce qui l’a bouleversé. Ensuite, demandez aux autres : « Quelqu’un peut-il me dire ce qui vient de se passer ? Comment vous sentiez-vous durant cette activité ? Que feriez-vous différemment ? » Faites un tour de table. Cet exercice aide à comprendre les pensées et les sentiments d’autrui.
Le jeu des mousquetaires
Dans chaque équipe de quatre, les élèves ont une position à tenir. L’un a les bras tendus, parallèles au sol, l’autre les bras tendus vers le ciel, le troisième se tient sur une jambe et le quatrième (le joker) court autour de la salle selon un parcours prédéfini. Les trois premiers peuvent appeler le joker pour se faire remplacer. Le groupe qui tient le plus longtemps les positions gagne la manche !
Tous les élèves doivent donc prendre en considération leurs partenaires, repérer celui qui va lâcher. Chacun doit, par conséquent, être attentif aux mimiques, aux expressions du visage, aux cris, aux appels à l’aide… L’observateur transmet de façon précise sa conscience de la situation de l’autre et son propre engagement. Partager des sensations vécues (rictus, grimaces, souffles, rougeurs) donne à chacun la possibilité de reconnaître ses camarades comme une version possible de lui-même. C’est alors que l’empathie advient.
J’aime mon voisin
Placez les chaises en cercle. Les élèves sont assis et le joueur désigné se met debout au milieu du cercle. Il fait une déclaration qui est vraie pour lui. Par exemple : « J’aime mon voisin qui parle espagnol. » Tous les élèves pour qui la phrase est aussi vraie se lèvent et se déplacent sur une chaise un peu plus loin. Et celui au centre trouve une chaise. Celui qui reste sans chaise se met au centre, dit une affirmation vraie pour lui : « J’aime mon voisin qui aime jouer au basket » et le jeu continue, pour que tout le monde participe.
À la fin du jeu, menez une discussion, en groupe. Qu’avez-vous appris de vos camarades de classe ? Étiez-vous surpris quand les gens se soient levés pour certaines affirmations ? Qu’avez-vous ressenti à être tout seul au milieu ? Qu’avez-vous ressenti quand vous avez découvert que d’autres ont vécu la même expérience que vous ? Objectif : regarder au-delà des premières impressions et étiquettes superficielles.
Sources :
> Boîte à outils pour promouvoir l’empathie à l’école.
> Apprendre par corps l’empathie à l’école : tout un programme ?, Omar Zanna.
> Fond d’expérimentation pour la jeunesse, rapport d’évaluation : De l’empathie pour lutter contre le harcèlement à l’école, Epluche, 2015.
Par Jenny Ronel