La question de la famille est au centre de nos préoccupations. Pourtant, quelques voix, féminines essentiellement, s’élèvent pour affirmer un non-désir de maternité. Mais qu’en est-il des hommes ? Ont-ils tous la paternité chevillée au corps ?
« Si j’avais eu des enfants, ma vie aurait été différente, ça, c’est certain ! » Sauf que Christophe[1], 45 ans, a fait un autre choix. « J’y pense 5 min, mais après ça passe », lâche-t-il dans un éclat de rire. Sa passion, les arts martiaux, est l’essence de sa vie. Surdoué, l’éducateur sportif a toujours excellé dans sa discipline. Mais une passion pas suffisamment rémunératrice : « Je vivote entre petits boulots instables. C’est un problème pour élever des enfants. » Sans être matérialiste, Christophe a une vision idéale de l’éducation des enfants qu’il n’aura jamais. Lui qui a été très gâté et n’a jamais manqué de rien, il aurait voulu pouvoir offrir le même confort à ses enfants. « J’aurais voulu qu’ils connaissent ce que j’ai vécu. J’en aurais eu deux ou trois et on aurait beaucoup voyagé ! » La notion de manque lui est insupportable. Fier, même la proposition d’aide et d’accompagnement de sa mère n’y a rien fait. Hors de question ! « Ce n’est pas ma conception des choses. J’aime être indépendant et assumer mes responsabilités », déclare avec assurance le Foyalais.
Étonnamment, il évoque sa mère : « Cela me fait de la peine de la voir vieillir. » Et se demande qui va s’occuper de lui quand ce sera son tour d’être pris par les affres du temps. Mais il clôt aussitôt sa réflexion par un : « Les enfants ne sont pas un bâton de vieillesse. » Quand ses différentes compagnes émettaient leur désir d’enfant, malgré la force des sentiments, sa réponse était toujours implacable : « Séparons-nous. Je ne veux pas te freiner. » Amer ? « Au contraire ! Je suis heureux pour elles ! » Comme pour son meilleur ami, papa pour la première fois à 45 ans. « Ça n’a rien remis en cause chez moi. Je lui dis même de lever le pied au travail avec cette nouvelle responsabilité. »
[1] Par souci d’anonymat, tous les prénoms ont été modifiés.
Futur incertain
Question responsabilités, Tony (44 ans) en sait quelque chose. Très jeune, il faisait déjà preuve de maturité. « Il y avait beaucoup de grossesses précoces autour de moi au lycée. Pendant que les gars jouaient les fiers, moi, je trouvais aberrante une telle insouciance ! » Issu d’un milieu très modeste à Rivière-Pilote, il a un sens accru des réalités. Pas question de mettre au monde une bouche de plus à nourrir ! Sans doute, a-t-il été aussi marqué par sa mère qui lui a toujours dit : « Lavi a two rèd ! Pa fè ich si’w pa lé fè ! »[2] Marqué par cette imprécation maternelle, la question des moyens financiers a aussi été un argument.
« Toutes mes petites amies me demandaient un enfant. Parfois, même des ex revenaient à la charge », dit-il amusé. Mais pour lui, pas question de céder. « Pas d’argent, pas de travail, pas de projet… pas d’enfant ! » Même s’il reconnaît avoir été tenté par le sentiment de puissance que peut conférer la paternité, et par cette curiosité de savoir à quoi ressemblerait l’enfant. Tony, tout comme Christophe qui « adore les enfants », a un très bon contact avec eux. « Je n’ai aucune réticence ni répulsion à leur égard », assure-t-il. Mais, en grandissant, c’est sa conscience politique qui a pris le pas. Désabusé, Tony voit le monde comme une lutte de classes entre riches et pauvres où « tu réalises que tu mettras un pauvre de plus sur Terre ». Le monde d’aujourd’hui n’est pas fait pour le rassurer et la « décadence sociale présage d’un futur trop incertain » pour le Pilotin. Refuser d’ajouter à la misère humaine, c’est aussi selon lui une autre façon d’aimer l’être humain.
[2] La vie est trop difficile ! Ne fais pas d’enfant si tu n’en veux pas !
Beau-père
Chez Jacques, 48 ans, on retrouve cette influence de l’environnement direct et des expériences compliquées. Éducateur spécialisé, le Foyalais a côtoyé nombre d’enfants en difficultés. « Même des parents qui ont de l’argent connaissent des problèmes avec leur enfant ! », martèle-t-il. Spirituel, il n’hésite pas à faire confiance à son karma. « J’ai souvent été beau-père, car je rencontrais surtout des femmes qui avaient déjà des enfants. » Puis, après une relation avec une femme stérile, et une autre ayant les trompes ligaturées, Jacques s’est fait une raison. « Ce n’est pas que l’envie est spécialement passée, mais je ne me prends pas la tête. Pourquoi forcer le destin ? »
Quant aux compagnes de Christophe, Tony ou Jacques, aucune d’entre elles ne désire d’enfant non plus. Heureux hasards… Dans leurs entourages, ce n’est pas un sujet de conversation. Pour Tony, « dans la bande, on est connus pour être le couple qui ne veut pas d’enfant. » Et d’ajouter, hilare, « quand quelqu’un ne nous connaît pas et nous demande si on veut des enfants, on s’en amuse et on répond qu’on va plutôt adopter un chien ! »
Par BŌNi