À l’approche de ses 15 ans de carrière comme infirmière-anesthésiste, Suzie Urcel voit son investissement professionnel récompensé par le prix Curie. Retour sur la vie d’une femme déterminée.
Suzie Urcel a remporté une belle victoire le 18 janvier 2022, au siège de l’Institut Curie (Paris). La Guadeloupéenne, infirmière-anesthésiste, est la lauréate du prix Curie. C’est la première fois que la distinction annuelle est décernée à un personnel soignant non médical. Pour la direction de ce centre de recherche et de traitement du cancer, cette récompense marque une volonté de récompenser l’engagement des personnels. Depuis 5 ans, le prix Curie est un moment important de la vie du centre. « Je me suis sentie comme une star », se rappelle Suzie, sourire aux lèvres.
Grande famille
« Ce prix est pour moi une reconnaissance de mon engagement sans faille à l’institut. C’est un signal fort envoyé aux soignants par ces temps difficiles. Je suis vraiment fière d’appartenir à cette grande famille », souligne Suzie lors de son discours. Les mots ne sont pas choisis au hasard. L’entourage a beaucoup compté tout au long du parcours de la quadragénaire. Elle intègre comme infirmière-anesthésiste, en 2008, le bloc opératoire du pôle hospitalier de l’Institut Curie à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). « Quand je suis arrivée à Curie, j’ai tout de suite vu que c’était un établissement pour moi, à taille humaine. Nous étions une petite équipe de six infirmières-anesthésistes. J’étais la plus jeune et j’ai été très bien accueillie », déclare-t-elle.
Esprit d'équipe
« L’esprit d’équipe est très important, même seul avec un patient, on a toujours besoin des autres. Je suis une forte tête mais je sais m’écraser dans un collectif », précise Suzie. À son poste précédent, au service de réanimation cardiaque de l’hôpital européen Georges-Pompidou, Suzie était déjà comme dans un cocon. Une équipe de jeunes diplômés du même âge, qu’elle voyait à l’extérieur lors de balades en vélo.
Stress positif
Et pour Suzy, être bien entourée, c’est important. Tout commence à Capesterre Belle-Eau (Guadeloupe). Cadette d’une famille de quatre enfants, Suzie a connu « une enfance heureuse dans un milieu sain ». Son père est agent hospitalier. Sa mère donne des cours de cuisine et couture dans une école de sourds et muets. L’éducation stricte ne l’a pas empêchée de recevoir beaucoup d’amour et de soutien. Bonne élève au lycée, Suzie se laisse emporter par le vent de liberté des années Fouillole. Elle reconnaît la déception de ses parents. Après plusieurs échecs en Deug de biologie, elle décide de quitter la Guadeloupe pour préparer le concours d’infirmière sur les conseils de son père. Là encore, la famille joue un rôle important. Suzie s’installe à Limoges avec sa cousine. Elle passe tous les week-ends chez sa tante à quelques kilomètres.
Major de promo
Quelques années après, assoiffée de connaissances, Suzie décide de se spécialiser en anesthésie. Elle est formée en Guadeloupe par Jean-Claude Suédois à l’École interrégionale des infirmiers-anesthésistes. Elle confie son fils de 4 mois à ses parents. « Le rythme était très soutenu et le formateur exigeant. Je n’aurais pas pu réussir sans eux. J’ai été très fière de sortir major de ma promotion pour les remercier », admet-elle.
Depuis qu’elle a trouvé sa voie, Suzy est une travailleuse acharnée et passionnée. « Les études et les concours étaient difficiles. Mais je m’accrochais toujours. Je savais qu’il y avait la lumière au bout. » Ambitieuse, elle se fixe des objectifs de carrière : « Je peux facilement m’ennuyer donc il faut que je m’investisse. J’aime beaucoup la vie au bloc opératoire. Avoir une vie entre les mains est très lourd en termes de responsabilités. Ça stimule mes compétences et me procure un stress positif. »
Transmettre
Aujourd’hui, Suzie forme ses collègues dans la prise en charge de l’urgence vitale en milieu intra-hospitalier. Elle intervient aussi auprès des étudiants infirmiers, des internes et des aides-soignants en gestion de simulation de soins critiques. Avide de savoirs, Suzie prépare à la rentrée prochaine un diplôme universitaire « formateurs à l’enseignement sur simulateur ». Le professeur Steven Le Gouill, directeur de l’Institut Curie, ne s’est pas trompé quand il lui a glissé : « En vous écoutant, je comprends pourquoi vous avez été choisie comme lauréate. »
Proche de ses patientes
« La plupart des patientes craignent davantage l’anesthésie que l’intervention chirurgicale. Mon rôle est de les rassurer. Ce qui crée une proximité supplémentaire avec moi. Avec les patientes guadeloupéennes, la complicité est très rapide. Je leur demande de quelles communes elles sont. J’ai toujours un petit mot en créole. »
Par Boni Kwaku