Grâce au stock tampon, nos départements subissent un peu moins fortement la pénurie de médicaments qui touchent actuellement toute l’Europe. Les officines doivent toutefois pouvoir s’adapter.
Depuis janvier 2022, les ruptures d’approvisionnement des pharmacies augmentent de manière constante, à l’échelle nationale, et ont quasiment doublé en fin d’année.
De nombreux médicaments sont concernés dont certains sont d’intérêt thérapeutique majeur, c’est-à-dire susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital d’une personne. Pour les plus connus : le paracétamol, l’Augmentin, la Ventoline, l’amoxicilline (antibiotique le plus prescrit en France, en particulier aux enfants), Spasfon, Gaviscon, mais aussi des antidiabétiques, des anticancéreux, des statines contre le cholestérol ou encore des traitements de l’hypertension… La liste est longue. Elle est d’ailleurs consultable sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (www. ansm.sante.fr).
Distribution des médicaments : comment ça marche ?
Selon le ministère de la Santé, les officines achètent les médicaments qu’elles dispensent, soit auprès des grossistes répartiteurs (80 % des cas), soit directement auprès des fabricants ou de leurs dépositaires, ainsi qu’auprès des exploitants. Depuis 2009, il est possible pour les officines de mutualiser leurs achats de médicaments non remboursables par l’intermédiaire d’établissements pharmaceutiques appelés centrales d’achats pharmaceutiques ou de structures de regroupement à l’achat. Aux Antilles-Guyane, les pharmacies sont majoritairement approvisionnées par les grossistes se partageant le marché.
Défauts d’approvisionnement
Cette pénurie récurrente relève d’abord de problèmes structurels et de dysfonctionnements. Aujourd’hui, les laboratoires fabriquent au moindre coût, de manière massive et délocalisée ce qui provoque régulièrement des tensions et des défauts d’approvisionnement. Une situation aggravée ces derniers mois par les fortes pressions dues à la pandémie de Covid-19. Plus récemment, la guerre en Ukraine est à l’origine de la hausse du prix de l’énergie et des transports.
Les prix de l’aluminium, du carton et du verre ont augmenté de 25 %. L’industrie pharmaceutique, particulièrement énergivore, subit de plein fouet les hausses du prix de l’électricité. La fabrication d’un médicament nécessite une stabilisation de la température à 37 °C afin de permettre la culture des cellules et des virus.
Retour des infections
La pénurie de certains médicaments, comme les antibiotiques, s’explique également par une production industrielle qui n’a pas retrouvé sa capacité d’avant Covid-19. « Grâce au renforcement des mesures d’hygiène durant la crise sanitaire (masque, lavage des mains, distanciation sociale), les épidémies infectieuses habituelles (gastro-entérites, bronchiolites, états grippaux, conjonctivites…) ont largement diminué ces deux dernières années, souligne Olivier Berry, membre du Syndicat des pharmaciens de Guadeloupe et de l’URPS pharmacie (Union régionale des professionnels de santé, NDLR). Elles sont toutefois revenues en force cette année avec la levée des gestes barrières, prenant de court les industriels qui avaient réduit leur taux de production. »
Stock tampon de 90 jours
Les Antilles et la Guyane subissent ces tensions, mais avec un décalage. « Du fait de notre éloignement géographique, nous sommes dans l’obligation de fonctionner avec 3 mois de stock, explique un grossiste en Guadeloupe. Quand un confrère de l’Hexagone est approvisionné en 15 jours, ici nous en avons pour 1 à 2 mois, car les médicaments arrivent par bateau. Ce stock tampon de 90 jours est une sécurité. » Les avantages : quand la pénurie est temporaire, les répercussions n’ont pas le temps de se faire sentir ici. C’est le cas, par exemple, du Doliprane « dont les stocks sont suffisants aux Antilles-Guyane grâce, notamment, à des fréquentes dotations ».
Mais au vu du contexte actuel, certaines pénuries peuvent malheureusement durer plusieurs mois. « Nous avons des moyens de levier en cas d’urgence notamment pour des traitements vitaux, poursuit le grossiste. Dernièrement, nous avons fait venir par avion un collyre pour les allergies ophtalmiques dont les doses, très demandées, étaient en rupture totale. » Pour Olivier Berry, « les pénuries de médicaments n’ont, jusqu’à maintenant, pas été vécues à une échelle importante » sous nos latitudes. « Il faut faire confiance aux pouvoirs publics qui n’hésitent pas à exercer des pressions sur les industriels, explique-t-il. »
Alternatives thérapeutiques
« En cas de médicaments en tension ou en rupture de stocks, les pharmaciens s’adaptent pour que les patients, en bout de chaîne, n’en subissent pas les conséquences. Soit nous devons limiter le nombre de boîtes et/ou la durée de prescription, selon les directives des autorités, soit nous proposons, dès que possible, des alternatives thérapeutiques en lien avec le médecin, soit directement au comptoir. On s’arrange toujours pour trouver des équivalences afin de répondre aux besoins des malades, d’autant que de nombreux médicaments se déclinent en plusieurs conditionnements (comprimés, version liquide…). En général, la patientèle se montre plutôt compréhensive surtout quand on prend le temps de lui expliquer les choses », conclut Olivier Berry.
Achat en ligne : attention aux contrefaçons !
En cas de pénurie de médicaments, certains pourraient être tentés de s’en procurer sur la toile. Il faut toutefois être très prudent. En France, la vente de médicaments sur internet est strictement encadrée depuis le 2 janvier 2013. La réglementation prévoit que la création et l’exploitation d’un site internet de vente de médicaments sont réservées aux pharmaciens. Le site doit être adossé à une officine de pharmacie physique et seuls les médicaments non soumis à prescription obligatoire peuvent être vendus sur internet. Le ministère de la Santé met en garde sur les risques associés à l’achat de médicaments sur des sites non autorisés. En effet, « la qualité et la sécurité des médicaments achetés sur un site non autorisé ne sont pas garanties, des médicaments falsifiés (faux médicaments ou faussement étiquetés) ou contrefaits peuvent y être proposés ». Selon l’OMS, on trouve des médicaments falsifiés ou contrefaits partout dans le monde. Leur origine est inconnue, leur composition n’est pas fiable et toujours illégale. Ces contrefaçons sont donc dangereuses pour la santé.
par Lia Mancora