Il vous a vu scruter les bulletins météo, faire des provisions, barricader la maison, vérifier les piles de la radio. Il a entendu le vent souffler, les portes claquer. Que peut bien ressentir un enfant pendant le passage d’un cyclone ?
1. Il vit les choses en fonction du comportement de l’adulte
« L’enfant qui grandit dans un climat d’attachement sécurisé, prend ce que lui dit l’adulte qui le protège (la figure d’attachement). Et cela est d’autant plus vrai que l’enfant est petit », commence Jean-Jacques Chavagnat, psychiatre responsable de la Cellule médico-psychologique d’urgence de la Vienne et volontaire à l’aéroport de Pointe-à-Pitre pour accueillir les Saint-Martinois évacués après le passage du cyclone Irma. En effet, l’enfant n’appréhende pas la catastrophe de la même façon que nous. Il n’a généralement pas vraiment conscience du danger avant 6 ou 7 ans. Donc, si l’adulte adopte une posture non alarmiste et rassurante, il a plus de chances de bien vivre l’événement.
2. Il le vit mieux que les adultes
« Après 20 ans d’expérience sur la prise en charge médico-psychologique d’urgence, j’ai pu observer que, quel que soit l’événement, les bombardements au Liban en 2006, le tsunami de 2004 en Thaïlande, ou encore les inondations dues à la tempête Xynthia en 2010, les enfants vivent bien souvent mieux la catastrophe que les adultes. Et c’était encore le cas après Irma, car ils sont plus protégés de l’événement. Ils voient moins de choses. »
3. Il a besoin d’être rassuré
Il est bon d’expliquer à l’enfant ce qu’est un cyclone. On peut aussi expliquer les risques, et bien préciser qu’on peut prévoir ce phénomène pour s’en protéger. Dire qu’un cyclone n’aboutit pas toujours à la même chose. Il n’y a pas forcément des morts, des blessés, des maisons complètement cassées, même si cela existe. On peut montrer l’exemple des anciens, des grands-parents qui ont vécu bien des cyclones et qui sont toujours là. « Il faut être rassurant, insiste Marie-Laure Bernard, dire qu’aux Antilles, ça fait partie de notre vie, de notre culture et que s’il y a des dégâts, on réparera. Surtout ne pas être alarmiste ! »
4. Il vit mal l’après cyclone
L’exemple de Saint-Martin a montré que les enfants, comme les adultes, ont davantage été touchés par l’ambiance de chaos et d’insécurité qui a régné après le cyclone que par le cyclone lui-même. Les bouleversements sociaux, avec parfois la nécessité de changer de vie, ont été souvent plus traumatisants. Psychologue à Gourbeyre, Marie-Laure Bernard évoque un cas clinique : « J’ai reçu dans mon cabinet un jeune enfant qui avait des problèmes d’agitation et des troubles de la concentration. Sa famille était originaire de Saint-Martin et s’y trouvait au moment du cyclone. Le toit de la maison s’était envolé, ils s’étaient réfugiés dans la salle de bains et la mère avait eu vraiment peur de mourir. On pourrait penser que l’enfant était traumatisé par ce qu’il avait vu. Sauf qu’il avait dormi pendant tout le passage du cyclone. Le problème, c’est qu’après le cyclone, l’enfant n’a pas pu retourner à l’école car celle-ci avait été détruite, la mère a dû changer de travail et partir en Guadeloupe. La famille a été éclatée. »
Plus que l’expérience du cyclone, les conséquences ont davantage impacté l’enfant, et ce, plus d’1 an après l’événement. Après le cyclone, le plus important est donc de réorganiser une vie « normale » et d’offrir un cadre sécurisant à l’enfant le plus vite possible. Adopter une posture dynamique s’il y a des dégâts, dire que c’est temporaire, essayer de réparer, reconstruire au plus vite.
Ensuite, il faut observer l’enfant et faire la part des choses entre phénomènes provisoires (il est normal de se sentir mal après une catastrophe) et phénomènes qui durent. « Les adolescents et les enfants peuvent avoir des idées noires, explique le Dr Chavagnat, mais ils ne vont pas forcément dire qu’ils vont mal car ils veulent « protéger » les adultes. Un changement de comportement, des manifestations comme des cauchemars, des troubles de la concentration ou de l’appétit doivent alerter. » On doit également être vigilant à ce que les psychiatres appellent les « plaintes fonctionnelles » : mal de ventre et douleurs diverses qui n’ont aucune cause physiologique mais peuvent révéler un mal-être. « Au-delà de quelques semaines à quelques mois, les troubles persistants sont souvent des troubles phobiques (peur d’aller à l’école, de sortir), note le psychiatre. Enfin, le plus traumatisant demeure ce que l’enfant a pu voir et dont il peut avoir une reviviscence diurne et nocturne. En d’autres termes, il revit la scène. » Dans ces cas, il faut consulter et faire appel à un spécialiste.
Par Lucie Daniel