Les festivités de fin d’année peuvent être un moment angoissant pour les parents d’enfants ayant un trouble du spectre autistique. Plusieurs familles martiniquaises nous livrent leurs histoires et astuces pour que cette période soit festive pour tous.
Tambour, ti-bwa et cantiques. Trois mots qui sonnent le début d’une période festive, celle de Noël. Cependant, pour les enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), les moments forts en émotion peuvent être difficiles à gérer. L’euphorie lors des rassemblements des chanté nwel, l’excitation dans les magasins de jouets, la transformation des rues avec les guirlandes lumineuses, toutes les publicités de jeux et jouets à la télévision, autant de changements qui bousculent les habitudes et rituels des enfants autistes. « Les personnes atteintes de troubles du spectre autistique présentent des particularités neurodéveloppementales dont les premiers signes peuvent être perceptibles avant l’âge de 3 ans (retard dans le développement du langage, gestes répétitifs, particularités sensorielles, par exemple. Le trouble du spectre de l’autisme affecte l’enfant en développement dans sa façon de communiquer, dans ses interactions sociales et son comportement. La perception du monde est bien différente de la nôtre, nous, les neurotypiques. Certaines personnes autistes développent des extra-sensibilités, tandis que d’autres vont investir le langage avec plus de facilité », explique Joanne Belrose, psychomotricienne libérale au Lamentin.
Djayan photographie ses cadeaux
Djayan, jeune garçon autiste de 11 ans, « est devant les magasins avant l’ouverture des portes ! Il s’émerveille devant les décorations de Noël. Flâner dans les rayons de jouets est sa grande passion », décrit sa maman. Mais, dès qu’il y a trop de monde, elle lui donne son téléphone portable pour qu’il photographie les cadeaux qu’il aimerait que le Père Noël lui apporte. Une astuce bien trouvée qui lui permet de moins se focaliser sur le monde et le bruit, et ainsi éviter une crise de panique qui peut se manifester par des hurlements terribles.
Hugaut adore les chanté nwel
« Hugaut est un enfant très excité pendant la période de Noël, comme tous les enfants de son âge finalement ! Entre les activités manuelles qu’il va faire avec son enseignante, la rencontre avec le Père Noël, le choix des cadeaux dans les magazines, la décoration du sapin, Noël est une véritable fête pour lui ! Il participe même aux chanté nwel en dansant avec son chapeau de Père Noël », raconte Aurore, sa maman. Mais l’intensité du bruit est parfois difficile à supporter pour les enfants autistes, pouvant générer une crise d’angoisse. « Chez Hugaut, les crises se manifestent par des hurlements terribles ou encore des gestes de mutilation (morsure, griffure) envers lui-même. Alors, pour éviter une crise de panique, nous nous mettons à l’écart. Mais ceci ne gêne en rien la joie qu’il éprouve. »
Le saviez-vous ?
En Martinique, on estime qu’il y a 2 500 autistes, enfants et adultes. Depuis 2013, l’association Lyannaj autisme accompagne au quotidien des personnes autistes et leurs familles. Les accompagnements éducatifs et développementaux sont encore peu proposés en Martinique. C’est pour cette raison que des bénévoles de l’association Lyannaj autisme ont mis en place un projet d’entraide et de solidarité afin de développer des solutions locales pour l’inclusion familiale, sociale et professionnelle des personnes autistes de Martinique.
Audrey préfère les papiers cadeaux
Suzon, maman d’Audrey, 11 ans, choisit toujours avec attention le papier d’emballage des cadeaux de sa fille pour qu’elle soit subjuguée dès le premier regard. « Les couleurs, les petits dessins, le thème, tout a son importance ! Audrey est toujours très contente d’avoir un super cadeau. Mais ce qu’elle préfère avant tout c’est toucher, froisser et même dormir avec le papier d’emballage, jusqu’au jour où elle en a marre et le déchire. Finalement, je mets beaucoup plus de temps à chercher le papier d’emballage que le cadeau lui-même. »
Joshua reste en famille
Peguy laisse Joshua, 10 ans, élève en classe de sixième, deviner seul que Noël arrive. « Entre les décorations, les chocolats, ou encore son calendrier de l’Avent, il comprend que Noël approche. » L’arrivée des festivités n’est jamais évoquée dans la famille de Joshua pour éviter de le perturber dans son quotidien. Car, un enfant autiste supporte mal les imprévus et les surprises. « C’est lui qui récupère les catalogues de jouets et met des croix sur ceux qu’il aimerait avoir. Dès que sa liste au Père Noël est faite, Joshua décide d’être sage et le jour j, il attend impatiemment minuit pour ouvrir ses cadeaux. » Le soir du réveillon, « nous organisons toujours le dîner chez nous. Cela bouscule moins Joshua qui est en terrain connu. Nous restons donc au calme et partageons le repas de Noël en famille, parents et enfants », explique Peguy.
En France, ce trouble touche 1 enfant sur 100.
Arnaud colorie des bandes dessinées
Arnaud, 27 ans, est autiste Asperger, une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage. Quand on lui demande un souvenir de son enfance lié à la période de Noël, il évoque sans aucune hésitation « la bande dessinée géante que Maman me faisait tous les ans. Chaque soir, avant d’aller me coucher, je coloriais une partie de la BD et plus les jours passaient, plus je savais que le Père Noël allait arriver avec les cadeaux. Les rituels sont très importants chez les autistes Asperger : ça rassure, ça calme ».
Anne-Sophie Malot
(article paru en nov-déc 2020)