L’augmentation exponentielle des troubles du comportement comme l’autisme nous interroge sur les causes de cette « épidémie ». Plusieurs pistes se dessinent aujourd’hui, dont celle d’un impact environnemental. Avec des axes possibles de prévention.
Les États-Unis sont passés d’1 cas sur 5 000 enfants en 1975 à 1 cas sur 68 en 2014 ! La France suit à peu près cette courbe. Ce sont les garçons qui paient le plus lourd tribut. Ils représentent 2/3 des cas.
Mais, d’abord, qu’est-ce que l’autisme ?
Il n’y a pas de définition claire car nous ne disposons pas d’examens complémentaires fiables. Ainsi, le diagnostic se base sur une triade symptomatique : l’altération du contact social dont les premiers signes sont l’évitement du regard, l’altération de la communication et les désordres qui en découlent (irritabilité, crises de colère, cris, morsures…). Les rituels stéréotypés (se balancer, mouvement des doigts devant les yeux, émietter, aligner des objets…). À cela s’ajoutent les troubles éventuellement associés comme le retard mental, l’épilepsie ou l’hyperactivité.
Quelles en sont les causes ? Pendant longtemps, on a culpabilisé les parents avec les théories psychanalytiques. L’autisme serait dû à un manque d’interactions affectives avec les parents. Théorie des « mères frigos » de Bruno Bettelheim et Manoni. L’autre piste fut les facteurs héréditaires et la génétique. Le génome a été trituré en tous sens. On a trouvé 900 gènes impliqués mais cela ne concerne que 10 à 15 % des autistes. Or, il existe 100 formes différentes d’autisme ! Qu’en est-il pour les 85 % restantes ?
Impact in utero ?
Pour comprendre comment l’autisme se met en place, il faut analyser la croissance d’un cerveau normal. Pendant la vie in utero, le cerveau fabrique des cellules nerveuses à des moments et des endroits précis. Cette synchronicité est étroitement en rapport avec les signaux hormonaux. À la naissance, le cerveau fait 400 g et double jusqu’à l’âge de 4 ans soit 800 g. Puis, il met 14 ans pour doubler encore et faire environ 1 600 g à l’âge adulte.
Quand on observe le cerveau normal, la cellule nerveuse émet des communications avec les cellules alentour appelées synapses. Or, chez l’enfant autiste, il y a moins de cellules nerveuses et chacune fait trop de synapses. On a donc bien une anomalie physique qui s’exprime quand le cerveau grandit et l’on peut comprendre que plus l’anomalie commence tôt, plus les dégâts sont irréversibles. C’est donc pendant la vie in utero que l’impact est le plus fort. Le plus difficile à accepter est que l’enfant paraît normal à la naissance, puis les signes s’installent vers 18 mois et le diagnostic est posé vers 48 mois.
Bactéries, mercure…
Grâce aux découvertes de l’épigénétisme (partie de la génétique qui explique comment l’environnement impacte notre renouvellement cellulaire), plusieurs pistes se dessinent. D’abord la piste bactérienne issue des recherches du Pr Montagnier, prix Nobel de médecine. Il a découvert que certaines bactéries, notamment la Sutterella et la clostridie, sont en jeu et peuvent gêner la croissance cérébrale. Cette piste est toujours à l’étude et un traitement par antibiotiques serait possible. On sait aussi que les métaux lourds comme le mercure absorbé pendant la grossesse (inhalé dans l’air, l’eau, ou provenant des amalgames dentaires de la mère) peuvent intoxiquer le cerveau en formation. Les substances toxiques comme les médicaments ont un impact comme le montre l’affaire de la Depakine, médicament pris par la femme enceinte épileptique.
Perturbateurs endocriniens
Mais la cause la plus probable semble être celle des substances de notre environnement que nous côtoyons tous les jours ! C’est la biologiste Barbara Demeneix, travaillant depuis plus de 15 ans au Museum d’histoire naturelle, qui a lancé l’alerte. Elle a montré que ces substances, appelées perturbateurs endocriniens (ou PE), bloquent la signalisation des hormones thyroïdiennes entraînant des défauts de production de neurones. Ce sont les dérivés du benzène (HAP) avec surtout les vapeurs du diesel et de l’essence. Les pesticides et tous les herbicides, fongicides, insecticides et raticides. Les polluants comme les engrais, les nitrates, les perfluorés (poêles en téflon), certains additifs et colorants alimentaires, les plastiques dont le PVC, les plastifiants alimentaires et certains cosmétiques.
Le tribut le plus lourd est attribué aux retardateurs de flammes contenant du brome et qu’on retrouve dans les vêtements ignifugés, les colles, les parquets, les nappes plastifiées, les airbags ou les feux d’artifice. Cette liste qui s’allonge de jour en jour est un peu le prix à payer de notre vie moderne.
Prévenir l’autisme ?
L’autisme ne se guérit pas vraiment. Mais on peut le prévenir ! D’ailleurs, ce sont les pays nordiques qui ont montré l’exemple et ont déjà pris des mesures incitatives vis-à-vis des femmes enceintes. On recommande donc d’éviter tout médicament, d’arrêter tout gel douche, savon parfumé, déodorant, maquillage, vernis à ongles et teinture à cheveux. On leur conseille de boire une eau filtrée ainsi qu’une nourriture la plus naturelle possible, d’éviter de faire de longs trajets en voiture (vapeurs d’essence) et de repeindre l’appartement (vapeurs de peinture). Il ne faut pas toucher ou inhaler de produits ménagers ni toucher aux produits phytosanitaires.
En revanche, pour protéger le cerveau du bébé à naître, il faut s’assurer que la femme enceinte a suffisamment d’hormones thyroïdiennes pour protéger la multiplication cellulaire. Il suffit qu’elle demande à son médecin de doser la iodurie des 24 h (reflet fidèle de la fonction thyroïdienne) et de se supplémenter si besoin.
En France, les pouvoirs publics ont été alertés des dégâts causés par l’environnement sur les femmes enceintes ainsi que de la précaution simple de vérifier les hormones thyroïdiennes, comme cela est déjà fait avec la supplémentation en folates (vitamine B9) pour les malformations de la colonne vertébrale. Mais ce qui est proposé pour l’instant n’est qu’une « adaptabilité » de la société aux enfants atteints (accès à l’école, psychologue, AVSI). Aucune mesure de prévention n’est prise. Et les études épidémiologiques nécessaires ne sont toujours pas commandées.
Dr Lucile Thibault (article paru en mars-avril 2017)