Développées dans l’ombre depuis 40 ans, les thérapies à ARNm ont permis d’obtenir des vaccins contre la Covid-19. Mais elles pourraient aussi bien protéger contre de nombreuses maladies, du chikungunya au cancer en passant par le diabète et le Sida.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les vaccins à ARNm n’ont pas été conçus pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Quand les premières équipes qui se sont penchées sur le concept ont commencé à envisager des applications pratiques, dans les années 1990, elles ciblaient plutôt le Sida, le cancer, ou la grippe.
Quel est le principe des vaccins à ARNm ?
La vaccination consiste à mettre le système immunitaire au contact d’un signe distinctif du microbe à l’origine de la maladie pour qu’il fabrique des anticorps spécifiquement dirigés contre l’intrus. Les vaccins traditionnels sont composés de virus inactivés ou de fragments de pathogène. Mais, avec les vaccins à ARNm, on donne à la cellule l’instruction de fabriquer elle-même ce signe distinctif. Cette instruction est donnée sous forme d’ARNm, ou « acide ribonucléique messager ». Cet ARNm code un fragment du virus. Une fois que l’ARNm pénètre dans la cellule, elle se met à fabriquer cette marque distinctive du virus complètement inoffensive.
Cellule cancéreuse
C’est contre le cancer, que les vaccins à ARNm ont au départ été développés par la société BioNTech, aujourd’hui partenaire des laboratoires Pfizer. L’idée : quand elles deviennent cancéreuses, les cellules adoptent un fonctionnement anormal, fabriquant certaines protéines spécifiques du cancer. Voilà des décennies que les cancérologues espèrent pouvoir retourner le système immunitaire des patients contre les cellules exhibant ces anormalités. Mais l’immunothérapie se heurte à l’importante capacité de mutation des cellules cancéreuses dont le comportement (et les signes distinctifs) évolue avec le temps. Avec un vaccin à ARNm, qu’on peut rapidement adapter à de tels changements, la solution est peut-être à portée de main ! Pour chaque patient, cela suppose de prélever un morceau de tumeur, d’analyser son ADN, de fabriquer les ARNm correspondants, de lui injecter le vaccin fabriqué sur mesure. Des tests sont en cours actuellement pour combattre tous types de cancers, qu’ils affectent le pancréas, le sein ou la peau.
Virus, parasites...
Ces derniers mois les vaccins ont montré leur efficacité contre les maladies virales. Mais d’autres infections, qu’elles soient causées par des virus, des bactéries ou des parasites, pourraient en bénéficier. Pfizer espère ainsi sortir un vaccin à ARNm universel contre les grippes saisonnières qui tuent des centaines de milliers de personnes dans le monde chaque année. Plusieurs essais sont également en cours sur des animaux de laboratoire pour vérifier l’intérêt de vaccins contre le zika, le chikungunya, le paludisme et le Sida.
Essai clinique
Fort de son vaccin à ARNm contre la Covid-19, le laboratoire américain Moderna a annoncé travailler sur un vaccin à ARNm contre le VIH. La phase 1 (essai clinique sur l’homme) a été lancée et doit s’achever mi-2023. Deux formules seront testées sur 56 adultes en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans. Un espoir dans la lutte contre le Sida ! Mais le VIH reste un virus très complexe. À l’inverse du Sras-Cov2, le VIH présente de nombreux sous-types et a une capacité de mutation très élevée. Ces différences de fonctionnement le rendent beaucoup plus difficile à cibler.
Maladie d’Alzheimer
Mais les thérapies à ARN visent un éventail encore plus large de maladies. Il ne s’agit plus alors d’éduquer le système immunitaire contre une cible, mais simplement de faire fabriquer au corps des protéines qui lui font défaut. Des recherches tentent ainsi d’introduire un ARN qui favorise la production d’un facteur de croissance de la couche interne des vaisseaux sanguins. Avec la perspective d’améliorer la santé des insuffisants cardiaques ! On sait aussi fabriquer des ARN qui bloquent la production de protéines pathogènes, comme la protéine tau qui s’accumule dans les neurones des malades d’Alzheimer.
Diabète
Autre exemple, la maladie de Charcot. Cette maladie neurodégénérative se traduit par une perte musculaire. Elle est due à la surexpression d’une protéine. Or, on peut empêcher sa production grâce à des ARN. Parmi les maladies qu’on pourrait soigner avec des thérapies à ARN, on trouve aussi le diabète de type 2, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), l’hémophilie, la dépression, la mucoviscidose, la drépanocytose ou encore la sclérose en plaques.