La pandémie de Covid-19 semble s’installer sur le long terme. Un vaccin pourrait nous en protéger. Mais réussirons-nous à le développer à temps ? Éléments de réponses.
Quels types de vaccins sont privilégiés ?
Tous les vaccins fonctionnent sur le même principe : exposer des personnes saines à un analogue du virus pathogène incapable de provoquer la maladie. L’organisme apprend à le reconnaître. Dès qu’il sera confronté au vrai virus, son système de défense immunitaire l’anéantira avant qu’il n’ait eu le temps de proliférer. On distingue trois grandes catégories de vaccins. Ceux constitués de virus actifs, mais dont on a atténué la nocivité (par mutation, par exemple). Ceux intégrant des virus désactivés, ou même des fragments de virus. Enfin, les virus à nucléotides, fabriqués à partir de matériel génétique (ADN ou ARN) qui vont provoquer, à l’intérieur de la cellule hôte, la fabrication d’une protéine virale qui, elle-même, éduquera le système immunitaire. Actuellement, toutes ces pistes sont envisagées à travers plus de 120 projets de recherche dans le monde.
Quand sera-t-il disponible ?
Le développement d’un vaccin prend en général entre 5 à 15 ans. Pourquoi si longtemps ? Il faut souvent plusieurs années pour mettre au point un « candidat-vaccin » que l’on pourra tester. Après avoir appris à cultiver le virus en laboratoire, on cherche à l’atténuer, ou à identifier un fragment qui a des chances de stimuler le système immunitaire, ou encore à synthétiser les gènes correspondant à ce fragment. Une fois le candidat-vaccin fabriqué, il doit être testé sur un modèle animal. Ce sont les études pré-cliniques. Problème, la souris n’étant pas naturellement sensible au Sars-CoV-2, il faut en créer des variétés génétiquement modifiées. Ensuite, les études cliniques se déroulent en trois phases. La première consiste à tester le vaccin sur des dizaines de volontaires pour évaluer d’éventuelles réactions indésirables selon la dose. Lors de la deuxième phase, plusieurs centaines de personnes reçoivent l’injection, si possible dans une zone où sévit l’épidémie. On évalue alors la capacité du vaccin à stimuler le système immunitaire et à protéger contre l’infection. En phase trois, des milliers de volontaires seront recrutés. Selon les résultats de ces études, les instances d’autorisation de commercialisation des médicaments (notamment l’Agence européenne des médicaments en Europe, la Food and Drug Administration aux États-Unis) trancheront sur leur mise sur le marché. Or, chacune de ces phases dure souvent entre 1 à 5 ans. L’urgence de l’épidémie de Covid-19 a certes accéléré le processus. Les premiers candidats-vaccin ont commencé à être testés chez l’homme en mars, sans avoir été testés sur l’animal. Mais cette accélération a ses limites. Il faudra s’assurer de la sécurité de ces produits et mettre en place des usines de production à grande échelle. Même en supposant qu’un des candidats-vaccins actuels passe toutes les étapes avec succès, nous ne disposerons pas de vaccin avant les grandes vacances 2021. Le plus probable cependant, c’est que les premiers candidats-vaccins testés devront être modifiés pour améliorer leur tolérance, l’importance et la durabilité de la protection qu’ils procureront. Ce qui prendrait 4 ou 5 ans.
Est-il possible qu’aucun vaccin ne soit trouvé ?
Oui, et pour plusieurs raisons. D’abord parce que certains virus ne provoquent pas une immunité forte. Il est aussi possible que le vaccin soit mis au point mais qu’on soit incapables de tester son efficacité parce que l’épidémie se sera éteinte avant. C’est, par exemple, ce qui a freiné le développement d’un vaccin contre le virus Ébola.
Quels sont actuellement les meilleurs candidats ?
Difficile de dire lesquels sont les « meilleurs ». Cela nécessiterait une boule de cristal ! Mais on peut nommer les plus avancés. Fin mai, plus de 120 candidats-vaccins étaient étudiés dans le monde entier. Parmi eux, une dizaine ont commencé à être testés chez l’homme. Les deux plus avancés sont entrés en phase 1 en mars et ont désormais débuté la phase 2. Le premier est le « Ad5 » développé par le laboratoire chinois CanSino. Il est composé d’un virus inoffensif qui porte un gène du Sars-CoV-2. Le second est le « mRNA-1273 » du laboratoire américain Moderna, qui a choisi d’injecter des nanoparticules renfermant de l’ARN du Sars-CoV-2. Pour l’instant, rien ne dit cependant que ces stratégies protègent de la maladie. Le laboratoire français Sanofi travaille de son côté sur plusieurs candidats. L’un d’entre eux comprendra une protéine du coronavirus combinée à un adjuvant qui renforce la réponse immunitaire. Ce dernier est fourni par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline. Les deux laboratoires espèrent commencer leurs essais cliniques en juillet/août.
Faudra-t-il se faire vacciner chaque année ?
On ne pourra vraiment répondre à cette question qu’après avoir mesuré, année après année, comment évolue, d’une part le virus, et, d’autre part la protection offerte par le vaccin. Le Sars-CoV-2 semble peu muter. Il ne serait donc pas nécessaire de fabriquer un vaccin différent chaque année, comme cela se fait pour la grippe. Mais il est probable que l’infection par le Sars-CoV-2, et a fortiori un vaccin, ne provoque pas une immunisation sur le long terme. Les coronavirus connus, que ce soient les coronavirus responsables de nos rhumes saisonniers ou le Sars-CoV responsable de l’épidémie de 2003, ou encore le Mers-CoV qui sévit dans la péninsule arabe, ne laissent pas de souvenirs très durables dans les organismes des personnes qu’ils ont infectées. Quelques années tout au plus. Des rappels réguliers pourraient donc être nécessaires si la maladie continue à circuler.
Combien coûte la recherche ?
La mise au point d’un vaccin coûte environ un milliard d’euros. C’est donc très cher et risqué. On estime que pour chaque médicament qui parvient sur le marché, 10 000 composés échouent. Les recherches sont donc menées grâce à des partenariats qui rassemblent de grosses entreprises pharmaceutiques, des laboratoires publics, et sont soutenues par des fonds publics et des ONG comme la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI).
Qui sera servi en premier ?
Question délicate ! La production de doses vaccinales ira crescendo avant de pouvoir fournir les millions ou les milliards d’unités nécessaires dans le monde. Dans les premiers mois, il n’y aura donc pas de vaccins pour tous. Faudra-t-il les réserver aux pays les plus touchés, ou bien les pays qui financent auront-ils la primeur ? Les négociations s’annoncent rudes. Et dans un même pays, qui aura la priorité ? Les plus vulnérables (comme les personnes âgées) où ceux chez qui le vaccin sera le plus efficace (les plus jeunes) ? Le personnel de santé ? Les populations à risques, comme les Afro-Américains ? Les gouvernements devront encore arbitrer des choix difficiles…
Le vaccin BCG protège-t-il du coronavirus ?
Le vaccin anti-tuberculose a attiré l’attention quand plusieurs études, notamment en France, ont montré que les pays présentant une bonne couverture vaccinale BCG présentaient des cas moins graves de Covid-19. Il se peut que le vaccin BCG permette d’atténuer les signes de la maladie. Mais ce n’est qu’une hypothèse… que l’Institut Pasteur de Lille est en train de vérifier.
(juillet/août 2020)