Considéré comme la maladie de peau la plus fréquente, l’eczéma est vécu comme un véritable fardeau par ceux qui en souffrent. Pour autant, apprivoiser cette pathologie chronique est possible. Témoignages.
« Les enfants n’osaient pas s’approcher de moi »
Pauline, 18 ans, étudiante, a souffert de graves crises d’eczéma jusqu’à 13 ans. Des plaques récurrentes sur les bras, derrière les genoux, entre la tête et le cou, plus rarement sur les joues et le cuir chevelu. C’est en arrivant en Guadeloupe à 2 ans que tout s’est aggravé.
« Je ne savais pas gérer les démangeaisons, prenais des serviettes-éponges pour me gratter et frottais jusqu’au sang. Avec toutes ces marques, certains enfants n’osaient pas s’approcher de moi à l’école… » Aujourd’hui, Pauline connaît les bons gestes. « J’hydrate ma peau tous les jours avec des crèmes adaptées, neutres et sans parfum. J’évite de m’exposer à la poussière, aux endroits pollués. J’aère ma chambre, me douche rapidement après avoir transpiré, limite le grattage et dispose toujours d’un tube de crème à base de cortisone. »
Pauline, 18 ans
Prévalence chez les afro-descendants
L’eczéma est une maladie de la peau non contagieuse et inflammatoire. Elle touche près de 15 % des enfants et 4 % des adultes en France. « Il en existe deux formes, souligne Dr Emmanuelle Amazan, dermatologue au CHU de Martinique, l’eczéma atopique qui prédispose génétiquement une personne à être sensible à plus d’allergènes (allergies cutanées, alimentaires, respiratoires (asthme), nasales (rhinite), ophtalmologiques (conjonctivites)) et l’eczéma de contact. Il s’agit d’une réaction allergique à un allergène de contact (par exemple le nickel, le chrome… » L’eczéma se manifeste par une sécheresse cutanée sur tout le corps, qui persiste même en dehors des crises, et par l’apparition de plaques rouges, parfois vésiculeuses, et qui démangent beaucoup. « Une étude américaine sur une population d’enfants scolarisés à Porto-Rico a montré que 24,8 % d’entre eux souffraient d’eczéma. La prévalence est plus importante chez les afro-descendants. La peau noire étant plus sèche au départ, elle laisse passer plus d’allergènes.
« À l’écoute de mon corps »
Ursula Mulciba-Bellon, 41 ans, praticienne en massage bien-être, souffre elle aussi d’eczéma atopique.
« C’est localisé sur les mains et les bras, et ce que je mange a un impact. J’ai dû supprimer le lactose et le gluten. J’ai appris à vivre en écoutant mon corps. J’évite les produits industriels, trop de sel ou de sucre. Je privilégie les fruits frais, la relaxation et les produits naturels. L’huile essentielle de lavande avec de l’huile végétale pour calmer les démangeaisons, des gels lavants à base de basilic, d’ortie ou feuilles de neem. J’utilise une serviette par douche, je change souvent de savon, draps, pyjama… J’ai dépassé la gêne et la honte. Avant, je cachais mes bras tachés. Aujourd’hui, j’assume. Ma peau a besoin de respirer et de voir du soleil ! »
Ursula Mulciba-Bellon, 41 ans
« Des plaques sur le visage »
Pour le mari d’Edwina, 34 ans, et leurs deux enfants de 5 et 3 ans, retrouver le climat chaud et humide des Antilles a changé la vie. Dans l’Hexagone, ils souffraient d’eczéma, surtout en hiver.
« Les démangeaisons concernaient surtout mon mari, notamment après la douche. Des plaques localisées sur le dos et les coudes. Les enfants en avaient surtout sur le visage, le dos et les fesses. »
Pour se soigner, la famille suit les conseils du dermatologue en utilisant des savons adaptés, sans sulfate et au pH neutre, des crèmes hydratantes et à base de cortisone pour les plaques. Edwina n’hésite pas à alterner vaseline, beurre de karité et huile de carapate.
Un travail sur l’image de soi
Souffrir d’eczéma a des répercussions psychologiques importantes comme l’inconfort permanent et une baisse de l’estime de soi. Le regard des autres, le rejet parfois, par crainte de la contagion, provoquent gêne, honte et sentiment d’exclusion. La personne atteinte d’eczéma se sent prise dans une spirale infernale : plus elle stresse à cause de son état, plus elle a de l’eczéma, plus elle stresse… Ce dernier étant un élément déclencheur d’une poussée. « Pour soigner leur anxiété, nous encourageons les patients à tenir un journal afin d’identifier les facteurs déclenchants, précise le Dr Marina Blum, psychiatre au CHU de Pointe-à-Pitre. Il peut s’agir d’un aliment, d’un produit ou d’un problème psychologique lié au couple ou au travail. Un travail sur l’image de soi est indispensable pour restaurer la confiance. La pratique de la relaxation ou de la méditation peut aussi aider. »
« La pandémie a aggravé les choses »
Depuis 2018, Ingrid, 40 ans, employée dans le secteur hospitalier, vit avec l’eczéma. Une maladie qu’elle a connu enfant. Ça a commencé par les coudes, les avant-bras, avant d’investir cou et cuir chevelu.
« Tout s’est déclenché à la suite de l’incendie du CHU (Guadeloupe), et d’une période de stress intense au travail. L’épidémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver les choses. » « Le plus difficile, ce sont les démangeaisons. Si mes mains ne sont pas occupées, je gratte ma tête, m’arrache les croûtes, perds mes cheveux et dors mal. » Ingrid consulte dermatologue et allergologue. Elle essaye plusieurs traitements, dont des crèmes à base de cortisone, qui la soulagent temporairement. L’origine du problème : le stress. « Ma dermatologue m’a prescrit un traitement homéopathique et m’a conseillé un suivi psychologique. Je vais suivre ses conseils, mais aussi devoir prendre une décision professionnelle. C’est en traitant sa cause profonde que je viendrai à bout de l’eczéma. »
Ingrid, 40 ans
Plus d’infos
L’association française de l’eczéma (www.associationeczema.fr), association de patients, organise régulièrement rencontres, ateliers ou conférences, physiques ou en ligne.
Par Sarah Balay