Les adhérents d’une maison de retraite participent ce matin à une séance particulière de médiation par l’animal, avec des lapins.
C’est un après-midi pas comme les autres dans cet Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de Saint-Esprit. Marthe, Georges, Modérant, Marie et Ginette ont rendez-vous avec des invités particuliers, Oslo et Osta, deux lapins. Ils sont accompagnés de Régine Mauconduit, comportementaliste et médiatrice par l’animal. « La médiation par l’animal, explique-t-elle, est une thérapie non médicamenteuse et préventive qui apporte du bien-être et booste les hormones du bonheur. Un professionnel formé introduit un animal, ici deux lapins, auprès de personnes en situation de handicap, de fragilité ou de dépendance. Leur présence aide à stimuler, solliciter, maintenir et améliorer les potentiels moteur, psychosocial, cognitif et social des personnes, tout en leur apportant bien-être, envie et plaisir. »
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Régine Mauconduit est amoureuse des animaux. Après une carrière dans le journalisme, elle obtient finalement un diplôme en relation Homme-Animal à l’Université Paris Descartes. Elle parfait ses connaissances avec une formation de médiateur par l’animal, un talent qu’elle met désormais au service des aînés.
Paroles de lapin
Il claque des dents lorsque vous le caressez : il est content et adore vos câlins.
Il grince des dents : il est malade et souffre.
Il fait « honk honk » en vous tournant autour : il vous fait sa parade amoureuse.
Il grogne : il est en colère et veut qu’on le laisse en paix.
Il souffle : attention, il pourrait bien vous mordre.
Il tape des pattes arrière : il a peur et sent un danger imminent.
Il s’aplatit sur le sol et couche ses oreilles : il est effrayé.
Il fait le beau et se dresse sur les pattes arrière : il veut flairer ou atteindre quelque chose.
Il se roule par terre : il se sent bien et se prépare à la sieste.
Il repousse votre main d’un coup vif : il ne veut plus de câlin et souhaite qu’on le laisse tranquille.
Il est couché sur le flanc, les pattes étirées : il est fatigué ou il a chaud.
Il gratte : il espère attirer votre attention ou il se fait les griffes.
Rétablir la communication
Les bénéficiaires de cet atelier sont tous volontaires et choisis avec soin par les équipes encadrantes. C’est en multipliant les séances que les effets se mesurent. Aujourd’hui, les participants attrapent une planche à découper et entreprennent d’éplucher quelques carottes, fenouil, choux ou navets pour régaler leurs petits invités. Un exercice qui travaille la motricité fine et pendant lequel on parle de légumes oubliés. Modérant se souvient de ce gros lapin à l’arrière de la maison qu’il nourrissait avec des lianes. Pour Ginette, c’était des fleurs de pois bleus… La communication entre résidents se rétablit peu à peu. Les fonctions cognitives ainsi stimulées, l’atelier se poursuit avec l’introduction des deux lapins. Déparasités, griffes limées et certificat de bonne santé en poche, Oslo et Osta entrent en scène. Chacun y va de sa caresse, de son mot gentil, sous le regard bienveillant de Régine et de leurs encadrants, coordinateurs, ergothérapeutes, psychomotriciens…
Oublier la maladie
Rapidement, les sourires illuminent les visages des pensionnaires. Sur la grande table, Osta et Oslo trottinent de l’un à l’autre sans risquer de tomber, car les lapins craignent le vide. S’établit alors une véritable relation entre le professionnel, l’animal et le bénéficiaire qui reste volontaire et libre de participer pleinement ou non à l’atelier. C’est dans cette ambiance ludique et joyeuse que chacun surmonte ses blocages et, pour un temps, oublie la maladie. La séance n’excède pas l’heure et s’achève sur un quiz ou un loto des animaux. Au moment de prendre congé de leurs charmants invités, chacun retourne à son quotidien, impatient de la prochaine visite.
L’avis de Wilfried, coordinateur à l’Éhpad Oasis à Fort-de-France.
« Au début, j’étais très sceptique. Mais très rapidement, j’ai vu de nettes améliorations dans les comportements de nos résidents. En plus de créer du lien entre les bénéficiaires, les séances ont de véritables bienfaits sur chacun, et procurent de vrais moments de partage et de sourires. Pendant cette parenthèse, chacun sort de son isolement et retrouve des bribes de son existence. Je me souviens encore de cette dame qui, atteinte de la maladie d’Alzheimer, aimait raconter à chaque atelier comment le collier de son chien perdu depuis plusieurs jours lui avait été rapporté par son chien lui-même. »
Par Corinne Daunar