En France, 800 000 patients sont diagnostiqués et traités. Ces chiffres pourraient être sous-estimés. Le dépistage précoce est primordial pour éviter des atteintes graves et définitives, comme la perte des fibres optiques.
Le glaucome est une atteinte de l’œil. Plus précisément du nerf optique, qui entraîne la destruction progressive des fibres optiques. « La cause majeure, explique le Dr Saâd Touameur, ophtalmologiste, est une hypertonie oculaire ou pression trop forte à l’intérieur de l’œil, causée par la mauvaise évacuation de l’humeur aqueuse, un liquide qui baigne, et nourrit la cornée et le cristallin. Ce liquide doit traverser un filtre, le « trabéculum » pour être évacué. Sa mauvaise évacuation peut être due à un dysfonctionnement du filtre lui-même ou à un problème structurel de l’œil. L’humeur aqueuse se répand alors dans la sphère oculaire. La tension augmente dans l’œil, lésant les cellules du nerf optique, dont elle finit par provoquer la destruction. Dans de rares cas, le glaucome n’est pas lié à une hypertonie oculaire, mais à des causes neurologiques ou vasculaires, la pression oculaire restant tout à fait normale. »
Maladie silencieuse
La destruction du nerf optique est d’autant plus insidieuse qu’elle est le plus souvent asymptomatique. Et malheureusement, lorsque le patient consulte pour un déficit visuel, c’est que le glaucome est déjà très étendu. Aussi, les deux yeux ne subissant pas forcément la même atteinte, la gêne ressentie et donc le diagnostic peuvent être plus tardifs encore.
En effet, l’œil le moins atteint compense l’incapacité de l’autre. La maladie va d’abord provoquer un déficit du champ visuel périphérique, avant de s’étendre peu à peu au centre. Lorsque le glaucome est diagnostiqué à ce stade, le handicap provoqué est irréversible et la vision elle-même en danger. S’il est déterminant, et même essentiel de dépister au plus tôt la maladie, c’est que la destruction des cellules nerveuses optiques est irréversible. Il convient donc de diagnostiquer puis proposer un traitement médicamenteux dès que possible pour stopper la destruction du nerf optique.
Dépistage régulier
La maladie étant fréquente en population générale (1 à 2 % de la population de plus de 40 ans et environ 10 % après 70 ans), et silencieuse, un dépistage régulier, tous les 2 à 3 ans, est recommandé par les ophtalmologistes dès 40 ans. Comme le précise le Dr Touameur, « ce dépistage se fera souvent à l’occasion d’une consultation pour presbytie et/ou dans le cadre d’un dépistage du glaucome familial. En effet, la présence de personnes atteintes de glaucome dans la famille est une indication pour un dépistage précoce, car environ 30 % des glaucomes ont un caractère héréditaire. »
Autres indications de risques accrus : l’âge (plus de 60 ans), une très forte myopie, l’hypertension, l’hypothyroïdie, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’apnée du sommeil ou encore la prise prolongée de corticoïdes, le tabac, les blessures antérieures aux yeux. Le dépistage, indolore, consiste essentiellement à mesurer la pression oculaire (tonométrie) et à analyser avec un fond d’œil (grâce à un OCT, tomographie en cohérence optique) la papille optique qui est altérée lors de la destruction des fibres nerveuses.
Éventuellement mesure de la cornée, mesure du champ visuel, gonioscopie (mesure de l’angle entre l’iris et la cornée) complètent l’examen. Un dépistage encore plus précoce est possible grâce à des technologies de pointe, comme le laser, qui offre une observation de l’œil et plus particulièrement du trabéculum et la possibilité de repérer s’il est obturé. On peut aussi dépister la destruction des premières fibres nerveuses (le nerf en compte 1,5 million) grâce à l’optique adaptative.
Collyres à vie
« Le glaucome chronique à angle ouvert et d’évolution progressive représente 80 à 90 % des cas, explique le Dr Touameur. La maladie est asymptomatique pendant les premiers stades. Puis apparaît une perte de vision à la périphérie du champ visuel. On parle de champ visuel tubulaire. Il existe une autre forme de glaucome, dit « aigu par fermeture de l’angle » qui se manifeste par des douleurs intenses, un œil rouge et dur, et une vision brouillée ou avec des halos, et qui nécessite, lui, une prise en charge d’urgence. »
Quand le diagnostic est fait à un stade où la pression intra-oculaire n’est pas encore trop élevée, le médecin propose un traitement médicamenteux rigoureux, sur le long terme, pour protéger les cellules nerveuses non encore atteintes. Il s’agira pour l’essentiel de collyres administrés à vie, composés de prostaglandines ou de bêtabloquants dont la mission sera de faire baisser la pression intra-oculaire, afin de stopper la progression du glaucome. C’est le cas pour environ 50 % des patients souffrant de glaucome chronique. En revanche, il est parfois nécessaire d’intervenir sur le trabéculum par la chirurgie ou le laser, si le traitement n’apporte pas une amélioration suffisante, s’il est mal toléré et que la tension reste élevée dans l’œil.
À ce jour, aucun traitement ne permet de « soigner » le nerf optique lorsqu’il est touché, ni de rétablir la vision qui a déjà été perdue.