Les handicapés ont difficilement accès aux soins bucco-dentaires. C’est de ce constat qu’est né le projet Handident, un bus de santé qui sillonne le territoire au plus près des patients.
En mai dernier, le bus Handident, véritable cabinet dentaire ambulant, s’est rendu à l’Institut médico-éducatif (IME) Iona, à Baie-Mahault, afin de prodiguer pour la toute première fois une série de soins aux enfants et jeunes patients du centre, âgés de 6 à 20 ans. Cette première intervention sur 4 jours fait suite à une convention signée en mars 2019 entre l’IME, hébergée par l’Association guadeloupéenne de sauvegarde de l’enfance à l’adulte, et l’association Handident.
Anxiogène
Ce matin, Frédéric Berthe, directeur, nous accueille à l’IME. Une vaste structure flambant neuve qui reçoit depuis 2015 une soixantaine d’enfants et jeunes déficients intellectuels ou atteints de troubles autistiques. Ils y résident en semi-internat et pratiquent des activités éducatives, pédagogiques et thérapeutiques. Le bus Handident, accessible aux personnes handicapées et disposant d’un équipement conforme aux normes d’un centre de santé, est garé sur le grand parking de l’association. Une équipe médicale joviale nous ouvre la porte. Elle est composée du Dr Rosita Schol-Espiand, chirurgien-dentiste, de Marie-Michèle Arphexad, assistante dentaire, et de Joanna Noble, infirmière coordinatrice. C’est le Dr Octavie Losio, chirurgien-dentiste, qui a eu à cœur de monter ce projet. Objectif : faciliter l’accès aux soins à un public dont le handicap rend difficiles et anxiogènes les déplacements. Le handicap mental demande, en effet, une prise en charge toute particulière, notamment pour les patients atteints de troubles autistiques qui ont une forte appréhension lorsqu’il s’agit de nouveauté.
Ludique
Les enfants se présentent un par un. Certains le font spontanément, d’autres, plus jeunes et plus craintifs, sont accompagnés par un éducateur ou l’infirmière, Raphaëlle Barlagne, qui les rassure et leur explique le protocole de soins. Grâce au bus, les patients acceptent mieux les soins en raison du maintien dans leur environnement habituel, entourés des personnes qu’ils connaissent. Les enfants sont ensuite reçus par l’infirmière coordinatrice, dans un petit bureau aménagé à l’avant du camion. Celle-ci a établi des protocoles de soins suite au tout premier passage du bus à l’IME, en avril dernier. Les enfants se rendent ensuite au fond du bus où est installée l’unité de soins avec le matériel médical. C’est là que le docteur et l’assistante dentaire procèdent aux actes médicaux. D’une voix douce et rassurante, le dentiste tente de les détendre. L’approche est ludique. Certains recevront une jolie brosse à dent en guise de récompense. Malgré tout, quelques enfants trop anxieux repartent sans avoir pu gravir le marchepied. Il leur faudra revenir une autre fois. L’utilisation prochaine du Meopa, un gaz calmant utilisé dans le milieu médical, devrait faciliter les interventions. Ce gaz anesthésique, composé à 50 % d’oxygène et à 50 % de protoxyde d’azote, permet de diminuer l’anxiété et la douleur du patient.
52 patients
À l’issue de ces 4 journées d’intervention, ce sont 52 enfants et jeunes qui ont pu bénéficier de soins dentaires. Du simple détartrage aux extractions de dents malades en passant par le traitement de caries et occlusions. Les plus grands se montrent fiers et heureux de leur nouvelle dentition. Le prochain passage du bus est prévu dès le mois de septembre. Une rotation régulière pour améliorer la qualité de vie de ces jeunes patients et limiter l’apparition de troubles masticatoires, l’émergence de problèmes esthétiques et de pathologies surajoutées avec complications infectieuses.
Un projet en plein développement !
L’association Handident a été créée en novembre 2016 par le Dr Octavie Losio, chirurgien-dentiste retraitée. Sensibilisée à la question du handicap, c’est à Lyon, il y a une dizaine d’années, qu’elle a vu pour la première fois un cabinet de soins mobile. Beaucoup de cabinets médicaux se situent aux étages et empêchent ainsi une partie de la population d’y accéder. Cette situation concerne plusieurs milliers de personnes rien qu’en Guadeloupe. Amener un cabinet dentaire au sein de centres médico-sociaux spécialisés est devenu une priorité pour cette praticienne. Le bus espère intervenir au sein des Éhpad et des CCAS pour venir en aide aux personnes en grande précarité. Le centre de santé entend aussi former de jeunes chirurgiens-dentistes aux soins ambulants, en convention avec l’université des Antilles. L’association qui s’est jusqu’alors appuyée sur des fonds privés, permettant l’achat du premier camion et d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant, peut désormais compter sur les subventions de l’ARS pour l’acquisition d’un second camion et la modernisation de son matériel médical.