Ils ont commencé mineurs et comptabilisent désormais une communauté de 7 000 à 40 000 abonnés sur Instagram, Tik Tok ou Youtube ! Comment gérer cette exposition sur les réseaux sociaux lorsque l’on est adolescent ou jeune adulte ? Jade et Jordy témoignent.
Sur les réseaux sociaux, Jade Potin est authentique, elle partage son quotidien, chante parfois, ou publie des vidéos humoristiques sur son compte badgyal_moon. À l’inverse, Jordy Cordeiro, timide de nature, s’exprime et s’exhibe librement sur Instagram à travers son personnage jheyoncee. Tous les deux ont commencé à publier sur les réseaux sociaux entre 14 et 15 ans. Jade depuis la Guadeloupe, Jordy depuis la Guyane.
Je voulais faire rire
« J’ai commencé au collège sans idée derrière la tête. Et c’est au lycée que j’ai commencé à avoir 300, puis 1 000 abonnés », commence Jade Potin qui, à 21 ans, gère désormais une communauté de 46 000 personnes. « Je voulais faire rire avec des vidéos. Et ça a plu », se souvient la jeune femme qui a décroché depuis, un travail de présentatrice pour une émission sport diffusée sur Guadeloupe la première. « Je fais du contenu sain, rien de tendancieux, pour ne pas attirer les « haters ». J’ai toujours connu les risques et les limites, puisque mes parents étaient au courant dès le départ. Ils m’ont toujours dit que certaines personnes n’étaient pas forcément bienveillantes », détaille la créatrice de contenu pour qui cette activité est devenue un tremplin vers le milieu professionnel de l’audiovisuel et du cinéma.
Échanger en famille
Pour éviter les dérives, le Parlement a adopté une loi encadrant l’usage des réseaux sociaux pour les mineurs. Depuis juin 2023, un accord parental est désormais obligatoire pour les moins de 15 ans. Le texte rappelle la responsabilité parentale, mais aussi le droit des enfants et des adolescents. Un texte utile aux dires des différents créateurs de contenu interrogés aux Antilles-Guyane, conscients des potentiels dangers sur les réseaux sociaux : messages haineux, harcèlement, photos détournées. « Moi, je suis OK avec cette loi. Surtout, avec l’arrivée de Tik Tok, les enjeux sont plus grands. Mais, c’est vrai que ça peut être limitant ici, aux Antilles, où les réseaux sociaux nous ouvrent des portes vers l’extérieur », souligne Jade. Pour son père, il s’agit d’agir « comme avec une plante. Je suis le tuteur, je n’interviens pas, j’accompagne ». En relation de confiance avec sa fille, il a quand même dû intervenir une fois, rappelant à l’ordre un des followers qui avait détourné une photo de sa fille. Il avait réussi à retrouver son contact grâce à la communauté de sa fille.
Notion d’intimité
Pour la psychologue Émilie Coutellec, spécialisée sur la question des réseaux sociaux, les parents doivent avant tout communiquer de façon objective avec leur enfant, « sur les risques de s’exposer et sur la notion d’intimité ». Selon elle, il est important de comprendre « pourquoi les réseaux sociaux sont attrayants pour leurs adolescents » et, surtout, être disponible pour que le jeune « puisse s’adresser à quelqu’un, s’il se sent mal ou en danger ». La professionnelle qui intervient notamment en structure d’accueil et d’écoute pour adolescents en Seine-et-Marne, précise que « l’immaturité psychique des adolescents ne permet pas à tous de prendre du recul sur les contenus auxquels ils sont exposés. Certains contenus comme les « trend », « tendance » ou « live » sur les réseaux sociaux provoquent des mises en danger ou incitent à la violence et à la haine, voire à la nudité. Parfois, les contenus hypersexualisés et figés de corps masculins et féminins peuvent créer de grands complexes au moment où le corps adolescent change et se transforme », termine la psychologue, alertant aussi sur les risques d’addiction aux écrans.
Connaître les limites
Pour Jordy, qui s’identifie androgyne, les réseaux sociaux sont des espaces de liberté qu’il faut préserver. « L’important est d’assumer qui on est dans la vie et sur les réseaux, tout en maintenant une barrière entre les deux. » L’exposition sur Instagram lui a permis de se développer, de forger son identité, mais aussi de découvrir un « monde dangereux ». Jordy a déjà ressenti le besoin de faire une pause, après une mauvaise expérience où les gens étaient devenus intrusifs jusqu’à appeler sa mère. « Il ne faut pas oublier que les RS, ce n’est pas la vraie vie. Tout ce que l’on fait en tant que créateur de contenu, doit être respecté. Et si on ne publie pas, il ne faut pas nous en vouloir. Il ne faut pas oublier l’aspect humain et ne pas franchir cette barrière vie privée/vie publique », insiste Jordi en s’adressant aux followers. Il explique avoir dépassé cette période difficile grâce à son entourage.
De manière générale, la psychologue clinicienne infanto-juvénile et consultante à l’Institut du comment (Région parisienne) confirme qu’il faut avoir conscience que cette communication ou socialisation reste virtuelle. Elle conseille « d’être bien entouré, d’avoir un environnement bienveillant et de confiance ». Elle émet l’idée de se questionner sur les publications : « Est-ce que je suis en accord avec ce que je publie ? Est-ce que je serai toujours OK dans 5 ou 10 ans, quand j’aurai un métier et/ou une famille ? », rappelant que les contenus et données publiés sur les réseaux sociaux peuvent être stockés et sortis de leur contexte.