Les infections sexuellement transmissibles connaissent une véritable explosion depuis une dizaine d’années. En cause, le recul du safe sex et le développement du sexe oral. Hormis le Sida et l’hépatite B, la majorité des IST se manifestent par des signes uro-génitaux. Avec le Dr Gérard Cariou, urologue, Comité infectiologie de l’AFU, et le Pr Albert Sotto, maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nîmes.
Les gonococcies
Dans la pratique de l’urologue, c’est l’IST la plus fréquemment rencontrée. Assez répandue avant l’épidémie de Sida, sa fréquence avait chuté dans les années 1990. Depuis 2005, en revanche, elle est en recrudescence (15 000 cas diagnostiqués en 2014). Chez l’homme, la maladie est toujours symptomatique. Son nom populaire (chaude-pisse) est très évocateur. La gonococcie provoque une urétrite aiguë responsable d’une sensation de brûlure à la miction. En revanche, la femme est peu symptomatique. La maladie se traduit souvent par une petite irritation de la vulve (vulvite), quelques écoulements vaginaux (leucorrhées) et des signes urinaires (urétrite) que la patiente peut confondre avec une cystite (infection urinaire).
→ Comment se protéger ?
« Dans ma pratique, je vois beaucoup de gonococcies transmises par fellation, explique le Dr Gérard Cariou. Une rumeur s’est répandue affirmant que la salive était antiseptique, qu’elle était notamment capable de neutraliser le VIH, et que le sexe oral était donc sans danger. C’est faux ! » Tous les rapports peuvent être contaminants. Le gonocoque infecte aussi bien les voies génitales que le rectum ou le pharynx.
La chlamydiose
En population générale, il s’agit de l’IST la plus fréquente. Des travaux américains ont montré que 10 % des étudiantes étaient porteuses asymptomatiques de la bactérie. En effet, le piège est que la chlamydiose est souvent une maladie peu symptomatique. Elle peut évoluer à bas bruit et provoquer une inflammation des trompes de Fallope avec risque obstructif et évolution vers la stérilité. La chlamydiose est d’ailleurs la principale cause de stérilité féminine par obstruction.
Le même phénomène est décrit chez l’homme où l’infection de l’urètre peut diffuser vers les canaux déférents puis l’épididyme provoquant une épididymite et l’occlusion de ces canaux. Plus rarement, la chlamydia est responsable d’une péri-hépatite avec adhérences hépatopariétales. Quels sont les signes d’alerte ? Comme la gonococcie, la chlamydiose est plus bruyante chez l’homme que chez la femme chez qui, elle peut être confondue avec une cystite. Les signes se manifestent entre 1 semaine et 2 mois après la contamination. « Ce sont souvent des urétrites sans écoulement chez l’homme qui s’accompagnent de brûlures à la miction mais sans signe extérieur visible », explique le Dr Cariou.
→ Comment se protéger ?
Le mode de contamination est le même que pour le gonocoque et l’utilisation du préservatif est requise. « Chez l’homme, de simples brûlures à la miction doivent amener à consulter. » Le médecin réalisera une PCR (méthode d’amplification de l’ADN, ndlr) sur le premier jet urinaire pour caractériser la présence de la bactérie.
Le saviez-vous ?
La présence d’une IST dans les voies génitales multiplie par 2 à 5 le risque d’être contaminé par le VIH lors d’un rapport non protégé.
La syphilis
Elle avait pratiquement disparu. Comme toutes les autres IST, elle revient en force en lien avec des comportements sexuels à risque. Le premier signe d’alerte chez l’homme est la présence d’un chancre qui peut être masqué si l’individu ne décalotte pas (phimosis). Le piège est que ce chancre est indolore. Au bout d’un mois, il forme une induration et guérit spontanément. Mais le micro-organisme responsable (tréponème) persiste dans l’organisme où il va entraîner des syphilis tardives. Chez la femme, la primo-infection est encore plus difficile à voir car seul un examen gynécologique est à même de révéler la présence d’un chancre. Des localisations extra-génitales sont de plus en plus fréquentes (anales, amygdaliennes).
Les IST virales
L’herpès virus (HSV) et le papillomavirus (HPV) sont extrêmement répandus.
• L'herpès virus
Traditionnellement, on distinguait deux variants : l’HSV1 localisé près de la zone buccale et responsable du fameux « bouton de fièvre » et l’HSV2 touchant la sphère génitale et provoquant à ce niveau des vésicules très douloureuses. Avec la pratique du sexe oral, l’épidémiologie change et les deux virus se retrouvent aux deux localisations avec des symptômes semblables. La primo-infection se traite facilement avec des antiviraux et peut être rapidement guérie si elle est prise à temps. En revanche, une fois le virus installé dans les ganglions, la maladie récidive fréquemment.
→ Comment protéger son partenaire ?
En cas d’herpès buccal on s’abstient de tout contact y compris le sexe oral tant que la vésicule n’a pas cicatrisé. L’apparition d’une croûte marque le début de la guérison. Une fois la croûte tombée, le risque de transmettre le virus disparaît. Les mêmes précautions s’imposent si la localisation est génitale. Tant que les vésicules situées dans le vagin, sur la vulve ou sur le pénis n’ont pas guéri, le risque de dissémination du virus est majeur.
• Le papillomavirus
Il en existe presque 200 sérotypes. La plupart sont bénins. Mais quelques-uns sont oncogènes. L’HPV est notamment à l’origine de presque 100 % des cancers du col de l’utérus. Chez l’homme, il provoque des condylomes ou « crêtes de coq » qui peuvent être très visibles lorsqu’ils sont acuminés (en relief). Mais il existe des condylomes plans qui passent facilement inaperçus. Le piège réside dans le fait que ces condylomes plans sont en général vecteurs des HPV cancérogènes. Chez la femme, l’infection est totalement asymptomatique. Jusqu’au moment où elle provoque des dysplasies (état précancéreux) détectables par frottis cervical. Il est probable que la quasi-totalité de la population a été en contact un jour avec l’HPV, mais 70 % des personnes éliminent spontanément le virus.
HALTE AUX IDÉES FAUSSES !
> Aujourd’hui le préservatif n’est plus nécessaire.
FAUX. Le préservatif reste la meilleure protection contre les IST et pas seulement contre le Sida ! Le développement des trithérapies a conduit à une diminution dramatique de son utilisation. Les autres IST flambent !
> Le sexe oral n’est pas contaminant.
FAUX. La salive n’est en aucun cas protectrice contre les IST. De nombreuses maladies sont véhiculées lors de fellations et cunnilingus. La moitié des cancers de l’oropharynx seraient dus au virus HPV, probablement transmis lors de relations amoureuses.
Plus d’infos
> www.urofrance.org
Par l’Association française d’urologie (AFU)