Si bon nombre d’entre eux nous agacent ou sont néfastes à nos plantations, certains insectes, en revanche, s’avèrent être des alliés très productifs. Avec Vincent Le Poizat, horticulteur et spécialiste en plantes médicinales et aromatiques.
« La nature est un système efficace, capable de s’auto-réguler et de préserver son équilibre sans l’intervention de l’homme. Elle a tout à nous apprendre. En favorisant la biodiversité, on se rend compte que plusieurs petites bêtes sont des alliées de nos cultures et jardins : insectes, araignées, acariens… Ces auxiliaires s’attaquent aux ravageurs. Pour les protéger, il faut éviter l’utilisation de pesticides, et savoir les « inviter » en plantant des habitats où ils pourront se réfugier et se reproduire, comme la pelouse dont raffolent les coccinelles, les plantes à fleurs pour les butineurs, les haies… De nombreux insectes sont bénéfiques surtout au stade larvaire quand ils sont particulièrement voraces ! », indique Vincent Le Poizat, horticulteur et spécialiste en plantes médicinales et aromatiques.
La chrysope (ordre des névroptères)
C’est l’insecte auxiliaire le plus complet tant sous sa forme larvaire qu’imago (adulte). Appelée « demoiselle aux yeux d’or », elle a deux paires d’ailes membraneuses et est dépourvue de dard. Elle mesure jusqu’à 2 cm, se nourrit de nectar et de pollen, mais également de miellat et de fèces (selles) produits par des hémiptères (pucerons, cochenilles). Elle se réfugie dans des tas de bois, de feuilles mortes et est particulièrement attirée par le maïs et les fleurs bleues.
La larve de chrysope
Appelée « lion des pucerons », elle est un excellent agent de lutte biologique. Très vorace, elle se nourrit de pucerons, thrips, jeunes chenilles, acariens, larves de cochenille…
La coccinelle (ordre des coléoptères)
Plus de 14 espèces ont été décrites en Guadeloupe. Elles ont plusieurs régimes alimentaires selon leur espèce. Phytophage (qui se nourrit de matières végétales), mycophages (se nourrissant de champignons, comme l’oïdium, une maladie cryptogamique, souvent fatale pour la plante), ou zoophage (mange les pucerons, mouches blanches, acariens, cochenilles…). Evitez absolument l’usage de pesticides. Plantez du fenouil, des orties, des capucines, de la bourrache et des plantes qui attirent les ravageurs. Elles raffolent également des pelouses et d’un endroit où elles peuvent s’hydrater.
La larve de coccinelle
Les larves sont bien plus voraces que les coccinelles adultes. Une coccinelle à sept points peut manger, à l’état larvaire, jusqu’à 80 pucerons par jour. Et l’espèce qui dévore exclusivement les pucerons peut en manger plus de 150 par jour. Même s’il est tentant d’acheter des larves de coccinelles sur internet, ces introductions d’insectes étrangers mènent à des mutations qui donnent naissance à des espèces invasives dont la Guadeloupe a déjà beaucoup souffert. Privilégiez toujours les espèces indigènes.
Le syrphe (ordre des diptères)
C’est un insecte de la famille des mouches. Il est inoffensif malgré ses rayures jaunes et noires qui imitent la robe des guêpes, abeilles ou bourdons. Cette ressemblance lui est évidemment préjudiciable puisque les gens s’en méfient voire les éliminent. Pourtant, il ne possède pas d’aiguillon. Il ne peut donc pas piquer et n’utilise son rostre que pour butiner le nectar des fleurs. Les adultes sont floricoles et s’alimentent de pollen et de nectar. C’est un insecte pollinisateur très actif qui trouve refuge sous des plantes basses, les haies, les vieux murs, les tas de bois, le paillis… Pour l’attirer, plantez de la menthe, de l’herbe aiguille, des cosmos, des plantes et fleurs sauvages.
La larve de syrphe
Elle a trois types de régimes alimentaires. Phytophage (mineuses dans les tiges et les racines), microphage (s’alimente de micro-organismes en milieu liquide) et zoophage. C’est ce dernier régime alimentaire qui permet de lutter contre les insectes ravageurs, détruisant jusqu’à 300 pucerons en une nuit.
Le carabe (ordre des coléoptères de grande taille)
Le carabe est un insecte plutôt nocturne, de 15 à 30 mm de long, qui se déplace très rapidement au sol et peut aussi voler en bourdonnant. Il apprécie les sous-bois, les coins de nature sauvage et le paillage. Les carabes sont de formidables prédateurs de mollusques et d’insectes : asticots, pupes de mouches, pucerons, chenilles, cloportes, limaces, escargots, charançons, vers… Pour attirer le carabe, créez-lui un environnement où il pourra trouver ombre et humidité. Des pierres, des feuilles et du bois mort, des vieilles branches.
La larve de carabe
Comme pour l’adulte, sa digestion est « extra-orale » et carnassière. Elle injecte à sa proie un mélange d’anesthésiant et de sucs digestifs par ses puissantes mandibules.
La punaise prédatrice (ordre des hémiptères)
On en compte plus de 40 000 espèces dans le monde, de tailles et de couleurs variables. Les punaises prédatrices s’attaquent à un important cortège de ravageurs comme les pucerons, les cochenilles, les psylles, les thrips ou les acariens, au stade larvaire ou adulte, œufs et larves de lépidoptères, ainsi que d’autres petits arthropodes ravageurs. Elles mangent aussi les punaises défoliatrices. Les punaises mirides et anthocorides sont les principales espèces élevées pour être relâchées dans les cultures. Les adultes peuvent consommer une centaine d’acariens par jour, alors que les larves, bien plus voraces, peuvent en consommer 600 par jour ou jusqu’à 200 pucerons !
Les abeilles (ordre des hyménoptères)
Il existe 20 espèces d’abeilles en Guadeloupe et seulement deux qui produisent du miel : l’abeille domestique (Apis mellifera) et l’abeille mélipone (Melipona variegatipes), endémique de la Guadeloupe. Elle est plus petite et n’a pas de dard et se fait malheureusement de plus en plus rare. Les abeilles se nourrissent exclusivement de pollen et de nectar. La production d’1 kg de miel nécessite la pollinisation d’environ 1 million de fleurs par 6 000 abeilles ! Elles sont attirées par les fleurs jaune vif, blanches, bleues et violettes. Les autres abeilles sont aussi des pollinisateurs très importants, comme le vonvon (Xylocopa mardax), fidèle allié des giraumons et des maracudjas.
Tous les insectes sont utiles. On peut les attirer, mais pour les faire rester, il faut répondre à tous leurs besoins grâce à des points d’eau, fleurs, plantes médicinales, jachères, tas de bois, paillages et plantes susceptibles d’attirer des ravageurs, comme des légumes.
Par Barbara Keller