Jamais testés sur l’homme, bon marché et mortels, les nouveaux produits de synthèse (NPS) sont aussi redoutables que leur packaging est soigné et coloré.
6-APB, 2C-X, méthoxétamine… Ces noms ne vous disent probablement rien. Ils font partie des nouveaux produits de synthèse (NPS), des substances psychoactives qui tentent de reproduire les effets de drogues « classiques », comme l’ecstasy, les amphétamines, la cocaïne, le cannabis, le LSD… Proches, mais pas identiques des drogues qu’ils promettent d’imiter. Commercialisés sur internet sous le nom de « spice », « buddha blue », « Yucatan fire », les NPS sont souvent présentés de manière détournée en tant qu’engrais de jardin, de sels de bain ou d’encens.
Pas chers
La plupart sont produits et importés de Chine et, dans une moindre mesure, d’Inde. Dans l’UE, selon l’Observatoire européen, seuls la Pologne et les Pays-Bas ont signalé des productions de NPS sur leur territoire. « À la différence des drogues classiques, leur caractère synthétique permet une production indépendante des cultures, réduisant ainsi les coûts et par conséquent les prix de vente, qui sont parfois modiques », explique l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Les NPS sont apparus en France en 2008. Depuis, chaque année, quelques dizaines de nouveaux produits arrivent sur le marché, jusqu’à 55 en 2014 qui fut une année record. Au total, « depuis 10 ans, 274 NPS ont été identifiés », chiffre l’OFDT.
Plus dangereux
En l’espace de 10 ans, les NPS sont donc devenus un chapitre à part entière dans les études et les stratégies de lutte contre la consommation de drogues. La question est d’autant plus préoccupante que les NPS, dont on connaît mal les molécules et les dosages, peuvent avoir des effets bien plus puissants que les drogues dites classiques. Au Royaume-Uni, on estime à 125 le nombre de décès liés aux NPS aux cours des trois dernières années, et 25 aux États-Unis. Plus récemment, au mois de septembre, à Paris, un jeune de 21 ans est décédé dans une boîte de nuit après une potentielle consommation de produit stupéfiant de synthèse. Dans un communiqué, le Collectif action nuit, qui regroupe des professionnels reconnus du monde de la nuit, alertait sur la circulation d’ecstasys largement surdosés, appelés « ecstasys chinois », et appelait à la mise en place de mesures préventives contre cette « recrudescence » de la consommation de produits stupéfiants « particulièrement dangereux ».
« La chimique »
Les NPS circulent-ils aussi en Outre-mer ? « Pas vraiment », rassure la chargée de communication de l’ARS Martinique. Les problématiques de drogues à l’échelle de la région sont plutôt liées au crack, au cannabis et à l’alcool. La question des « ecstasys chinois » ne s’est encore jamais posée aux Antilles. Sans doute une des raisons tient au fait que, globalement, on se drogue moins en Outre-mer que dans l’Hexagone tel que le mesure et l’atteste le Baromètre santé Dom 2014. Au travers de cette étude, « se dégage un portrait des Dom marqué par de faibles niveaux d’expérimentation des substances illicites, tandis que les usages occasionnels de cannabis se situent à des niveaux proches de ceux de la Métropole (particulièrement à La Réunion, et de façon moins marquée en Guadeloupe) et les usages réguliers aux mêmes niveaux qu’en Métropole », expliquent les auteurs. Une situation qui contraste parfois à l’échelle des voisins régionaux, notamment à l’Île Maurice, où le produit de synthèse baptisé « spice » règne et inquiète les autorités suite à des hospitalisations en urgence d’ados et d’enfants ayant consommé ce mélange d’herbes de thé imbibées aux cannabinoïdes de synthèse. Les cannabinoïdes de synthèse ont aussi trouvé leur place à Mayotte avec le produit baptisé « la chimique », lequel a récemment été observé à La Réunion avec, « entre janvier 2018 et avril 2019, plusieurs cas d’hospitalisations plus ou moins sévères en lien avec une prise supposée de « la chimique » », informe Drogues Info Service.
Carte d’identité
La question des NPS est un sujet brûlant sur chaque continent. À l’échelle de l’Europe, plusieurs agences (Europol, Agence européenne du médicament…) participent au système d’alerte précoce pour aider les 27 à lutter contre ces drogues de synthèse. De même, un programme de recherche, conduit par le Centre commun de recherche de la Commission européenne (JRC), vise à doter les services douaniers de nouveaux outils. Le travail de ces chercheurs consiste à créer une encyclopédie de ces produits. Ils analysent et identifient les profils physico-chimiques des substances saisies (herbes, poudres…) afin d’établir pour chacune une carte d’identité. Une seconde équipe travaille sur un détecteur portable qui intègre ces données et permet d’identifier à la fois les produits connus mais aussi tous ceux appartenant à l’une des principales familles de drogue de synthèse. Une réponse technologique qui devra renforcer nos capacités communes d’alerte précoce et de réaction, face à des risques sanitaires dévastateurs et des usagers très mal inspirés.
Par Jean Palom
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