Vous pensiez tout savoir sur le manioc ? De la même famille que le mancenillier, le manioc est une véritable source d’inspiration pour nos cuisiniers qui peuvent le sublimer en acras, gâteaux, biscuits, jus, milk shake, glaces, pains sans gluten…
Le manioc (Manihot esculenta) appartient à la famille des euphorbiacées, une des cinq familles de plantes à fleurs les plus vastes du monde végétal. Cette famille est largement représentée aux Antilles, où pousse le « mancenillier » (Hipommane mancinella), bien visible sur les bords de plage, et dont les fruits verts qui tapissent le sol ressemblent à de petites pommes vertes parfumées.
En fin d’année, le « fleuri-noël » (Euphorbia leucocephala), quant à lui, produit de magnifiques boules de petites bractées blanches (fausses feuilles souvent colorées) que l’on confond avec des fleurs. Le ricin (Ricinus communis) fait également partie de cette famille. Il évoque des souvenirs désagréables de l’enfance, car son huile était administrée pour expulser les vers. Une des caractéristiques de cette famille est la production d’un liquide généralement blanc et laiteux, appelé latex. Très toxique, ce liquide est irritant pour la peau et les muqueuses. Il peut causer des dégâts irréversibles aux yeux. Moyen de défense de la plante, le latex sert à colmater ses blessures : coupures, attaques d’insectes, de virus ou de bactéries… De plus, la plante évite ainsi d’être dévorée par les herbivores !
De plus en plus d’adeptes
Le manioc est originaire d’Amérique du Sud. Sa culture au Pérou, il y a près de 4 000 ans, a été attestée par des fouilles archéologiques. Son aire de répartition est surtout tropicale, mais la famille s’étend aux régions tempérées pour certains genres. Produit phare de l’alimentation des pays en voie de développement et occupant le 5e rang des produits de consommation de base (après le maïs, le riz, le blé et la pomme de terre), le manioc a de plus en plus d’adeptes dans les pays occidentaux. La racine tubérisée est très largement cultivée dans le monde et mérite sa place sur les tables, tant pour ses apports nutritionnels que par la diversité de ses modes de consommation.
Aliment phare
Il existe deux espèces de manioc : le manioc amer (Manihot esculenta) proposé sur les marchés, après avoir été transformé, sous forme de farine, tapioca, cassave… et le manioc doux (Manihot dulcis), encore appelé « cramanioc » et présenté sous sa forme naturelle de tubercule. Seul le manioc doux peut être consommé tel quel comme la pomme de terre.
Le manioc amer doit être débarrassé de son jus et cuit afin de perdre le maximum de sa toxicité. Dans certains pays, les paysans utilisent une couleuvre (vannerie guyanaise réalisée avec de l’arouman) qu’ils remplissent de pâte de manioc. Cette presse à manioc permet l’extraction du « jus » par des mouvements d’élongation et de contraction qui rappellent ceux de l’anaconda. En effet, le manioc amer contient de la linamarine, un composé qui peut se transformer en acide cyanhydrique et provoquer de graves intoxications, voire la mort chez le consommateur.
Facilite la digestion
Sur le plan nutritionnel, le manioc est un féculent qu’il serait bon de réhabiliter pour sa facilité de préparation et ses nombreux apports. Il est riche en fibres et en amidon, ce qui le rend facile à digérer. Il contient du potassium, du fer et du magnésium.
La farine de manioc est la forme la plus connue du manioc amer. Après avoir été râpé, pressé et tamisé, il est cuit sur des plaques métalliques (platines) où il est sans cesse remué, afin de le rendre comestible. Cette farine est une alternative à la farine de blé, car elle ne contient pas de gluten. La fécule de manioc stimule le transit intestinal, soulage les maux d’estomac et permet de lutter contre la constipation ou la diarrhée.
Aliment de base dans les pays à faibles revenus, le manioc est riche en glucides et son amidon lui confère un excellent pouvoir de satiété. Il est cependant pauvre en protéines. Peu connue, la moussache, obtenue par la décantation du manioc broyé dans de l’eau, constituait un empois d’amidon utilisé par les lavandières. Les feuilles de manioc sont très riches en carotènes (provitamine A), vitamine B, ainsi qu’en vitamine C, et posséderaient également une action antibactérienne. Pour son faible indice glycémique, le manioc est recommandé aux personnes diabétiques. Enfin, il semblerait qu’il participe à la beauté de la peau grâce à ses anti-oxydants ! L’industrie s’y intéresse également pour les engrais, les aliments pour bétail, la colle, le ciment, les textiles, le papier…
Tour du monde
En Guyane, le « couac », une semoule de manioc un peu grossière qui sert à fabriquer un taboulé local, est également utilisé pour saupoudrer certains plats.
Au Brésil, le terme farine désigne uniquement la farine de manioc et non de blé. Elle est proposée sous diverses granulations.
En Martinique et en Guadeloupe, il sert à préparer les cassaves, une galette un peu épaisse qui peut être garnie de confiture ou de farces salées. Il entre également dans la composition du fameux féroce d’avocat.
Au Cameroun, une innovation technologique permet désormais de produire de la farine à partir de la peau du manioc. Le tapioca, une fécule de manioc, sert à épaissir les potages ou à réaliser des desserts.
Absente de la cuisine antillaise, les feuilles de manioc doux peuvent se consommer comme les épinards et celles du manioc amer sont très appréciées au Brésil où elles sont broyées et cuites durant des heures. Elles constituent un plat local appelé « maniçoba » quand elles sont mélangées à des viandes salées et fumées. Une autre transformation locale est la fabrication d’une bière par les Indiens wayanas (le cachiri) et d’un alcool (tiquira) consommés dans le nord du Brésil.
Remerciements très chaleureux à Richard Page, manioquerie du nord à Case-Pilote, et Roger Ragald, Case à manioc au Lorrain.
Par Hilaire Annonay, botaniste