Source d’inspiration, le vétiver est très utilisé en parfumerie et en cosmétologie ou encore sous forme d’huile essentielle pour ses bienfaits sur la digestion et la circulation. Mais saviez-vous que cette plante est une arme de taille pour protéger les sols ? Rencontre avec Alexandre Cailleau, géologue au sein de la Société des mines de Saint-Élie de Guyane (SMSE).
Comment présenter le vétiver ?
De la famille des Poacées (graminées), le vétiver est une herbacée tropicale très résistante, pouvant atteindre jusqu’à 2 m de haut. Ses feuilles sont étroites et rugueuses et ses racines peuvent aller jusqu’à 6 m de profondeur. Elle s’adapte bien aux sols pauvres, et se multiplie rapidement par boutures et à faible coût. Ses graines, stériles, la rendent non invasive. Elle est connue principalement pour les fragrances de ses racines utilisées en parfumerie. Cependant, elle dispose de nombreuses autres vertus : traitement des eaux usées domestiques, amélioration de la production agricole et de sa fertilisation, effet barrière contre les insectes, effet brise-vent et surtout lutte contre l’érosion des sols.
Quels sont ses effets sur l’érosion des sols ?
Le vétiver a un double effet. En profondeur, il sécurise le sol grâce à ses racines très puissantes, épaisses et profondes. En surface, il augmente la rugosité grâce à son feuillage très dense et résistant qui va permettre de réduire la vitesse d’écoulement de l’eau et son pouvoir érosif.
Quels sont ses principaux domaines d’application ?
À grande échelle, la plantation se fait en courbes de niveaux (keyline) dans les pentes, ou en bordure de thalweg (fond de vallée, NDLR), d’écoulement d’eau. Au Brésil, il est utilisé sur les plages pour lutter contre l’érosion. On pourrait très bien envisager de le planter en bordure du fleuve Maroni, par exemple. C’est une espèce clé du génie écologique.
Pourquoi avoir choisi d’en planter sur le site de Saint-Élie ?
Le vétiver est une plante facile à multiplier et à implanter qui n’exige aucun matériel spécifique (plantoir, semoir). Il est très facile à transporter et à implanter sur les sites difficilement accessibles avec un tracteur. Il nous permet d’être autonomes dans le sens où on ne dépend pas des fournisseurs de graines d’herbacées.
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons effectué des recherches biographiques pour savoir quelles étaient les meilleures techniques connues pour lutter contre l’érosion des sols. Nous avons exploré le site www.vetiver.org et avons découvert qu’il s’agissait d’une plante extraordinaire pour du génie végétal. Carol Ostorero, directrice générale de la SMSE, nous a donné des boutures de son jardin pour commencer. Puis, par multiplication en pépinière dans de larges sacs, nous avons réussi à en reproduire des milliers. Sur le terrain, après avoir coupé les feuilles. On sépare les boutures, puis on les repique à la main avec du compost, ou de l’engrais organique, voire sans rien en fonction de la qualité des sols. Tout le travail se fait à la main.
Quels sont les effets observés à ce jour ?
Le site de Saint-Élie arrive au terme d’une importante phase de réhabilitation et de revégétalisation. Nous avons un très bon taux de reprise même si nous avons observé de rares blocages dans les endroits secs et très serrés. Le vétiver est très pratique à transplanter, car les boutures peuvent rester sans problème une semaine à l’ombre en attente du repiquage. Par ailleurs, nous nous servons également des feuilles comme paillage au jardin ou sous nos arbres. Elles protègent longtemps le pied des plantules, car elles mettent du temps à se décomposer. Mais nous comptons aussi beaucoup sur la biodiversité. Nous récoltons nos propres graines de plantes pionnières, car le vétiver ne fait pas de graines, nous avons notre séchoir et nos propres techniques de conservation, et même notre propre herbier qui regroupe les plantes héliophiles (qui ont besoin de beaucoup de lumière) du site.
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Par Sandrine Chopot