Avec 15 % des Parisiens qui ont déjà vécu une expérience échangiste et 18 % ayant déjà fréquenté un club spécialisé(1), l’échangisme connaît de plus en plus d’adeptes. À l’image de Yumee et Andréa, cette pratique sexuelle séduit-elle aussi les Guadeloupéens ?
« De l’habitude naît l’ennui », martèle avec conviction Andréa, quand on lui demande pourquoi elle adhère au concept de l’échangisme. Il est vrai que les chemins qui mènent à l’échange de partenaires entre deux couples sont multiples. Dans son cas, c’est l’idée qu’on tourne vite en rond avec son partenaire au fil du temps : « On se connaît. On anticipe les caresses, les positions. On sait où aller chercher son plaisir. Ça devient mécanique. »
Convaincue que la vie est un cheminement durant lequel nos envies changent, progressent avec l’âge, l’échangisme lui apparaît alors comme un remède anti-routine. L’ennui étant normal, la pratique permet de redynamiser la libido du couple. « Oui, du couple ! », insiste-t-elle. Car, avant toute chose, l’échangisme doit partir d’un désir commun. Il n’est pas question de zapper le consentement plein et entier de l’un des partenaires. Il y a, bien entendu, la question de l’intégrité physique. Mais se pose également celle de la jalousie.
Libertinage, échangisme, côte-à-côtisme…
Le libertinage se revendique d’un courant sexuel libre et consenti entre les partenaires. Mis à part l’échangisme, il existe d’autres pratiques libertines :
– le candaulisme où on regarde uniquement (pas de participation) son/sa partenaire coucher avec une ou plusieurs autres personnes ;
– le côte-à-côtisme consiste à faire l’amour avec son/sa partenaire devant d’autres couples qui font, eux aussi, l’amour au même emplacement. Entre les couples, il n’y a ni contact ni rapport sexuel puisqu’il n’y a pas échange de partenaire ;
– le mélangisme est le cran au-dessus du côte-à-côtisme sans en arriver pour autant à l’échangisme. Pas de pénétration hors du couple. En revanche, on peut embrasser, caresser ou pratiquer des caresses bucco-génitales avec les autres ;
– le triolisme est communément appelé « plan à 3 ». Toutes les combinaisons sont possibles (trois femmes, trois hommes, deux hommes/une femme, deux femmes/un homme).
« Mon homme assure »
Annie, propriétaire avec Bernard, son mari, d’un club libertin en Guadeloupe, ne dira pas le contraire : « Après vingt années d’expérience, quand je vois un nouveau couple arriver, je sais tout de suite comment cela va se passer ! » En effet, souvent, c’est l’homme qui propose à sa femme, comme nouvelle expérience, de réaliser un fantasme. Sauf que voir concrètement sa partenaire prendre du plaisir avec un ou plusieurs hommes, c’est une autre chanson…
« Quand la femme part dans son plaisir, elle est vraiment partie ! », ajoute-t-elle dans un éclat de rire. Là, diplomate et habituée, Annie propose au partenaire de se détendre au bar. « Cette montée d’adrénaline est tout à fait normale au début. Même si l’homme ne dit rien, je vois bien que le sourire se fige. Il y a du monde autour. Il faut quand même faire bonne figure », dit-elle, taquine. Mais elle se veut rassurante : « Après les perturbations des premières fois, l’habitude s’installant, ça se passe beaucoup mieux après. » Et c’est bien peu de le dire ! « J’aime voir l’extase dans les yeux de l’autre, le moment où il perd pied ! », confie doucement Yumee qui préfère que les deux couples restent dans la même pièce lors des ébats.
Pour Andréa, ça va plus loin :
« Il y a une tendresse, un émerveillement dans son regard quand je suis avec d’autres. Je suis aussi très excitée de voir mon partenaire avec une autre femme. Je suis fière de voir que mon homme assure ! Je me dis qu’elle doit déjà s’estimer heureuse que je le lui prête ! »
L’échangisme est donc vécu comme un jeu qui renforce la complicité du couple. « Faire l’amour ensemble après est encore plus intense quand on a vu son/sa partenaire prendre et donner du plaisir à une autre personne », avoue Andréa. Pour elle et Yumee qui détestent l’infidélité conjugale, cette pratique sexuelle, réalisée en couple, permet de « challenger » leurs désirs, prendre leur plaisir sous une autre forme sans avoir à affronter les tracas du mensonge et autres stratégies scabreuses mises en place quand on va voir ailleurs. C’est ainsi que le couple de Yumee, qui était insatisfaite malgré la force des sentiments, a retrouvé un équilibre grâce à l’échangisme. « Je n’étais plus frustrée et lui, il pouvait profiter avec d’autres femmes. »
Confiance absolue
Mais tout ne se fait pas sans règle ! Que ce soit en club ou soirée privée, l’échangisme se prépare. « Dans notre milieu, le respect est extrêmement important ! », insiste Annie. « On demande toujours la permission à l’autre partenaire pour jouer avec son compagnon ou sa compagne. » C’est également pour cela que la communication est fondamentale. Il faut que le couple, uni par une confiance absolue, forme une équipe soudée et décide de ce qu’il (s’)autorise ou pas. Dans le cas de Yumee, c’est une évidence : « Avant d’embrasser l’homme, je demande toujours à sa femme la permission. »
De toute façon, que ce soit avec Annie, Andréa ou Yumee, on sent bien que l’échangisme reste un jeu, et donc pas uniquement du sexe. « Il ne faut surtout pas être pressés. On est ensemble pour 4 à 5 h », raconte Yumee. « On prend un verre ou on dîne. On discute. On apprend d’abord à se connaître. » Cette même ambiance apaisée est décrite par Annie dans son établissement : « Nous sommes dans un endroit magique où règne la convivialité. On n’est obligé de rien ! Tout est mis à disposition pour que nos clients se sentent bien. Piscine (vêtements interdits !), terrasses, bar, salons, canapés, coins câlins (dans le libertinage, on ne parle pas de lits !), accessoires coquins… »
Et côté hygiène et sécurité, tout a été pensé. « Nous, les libertins, sommes très propres. Nous faisons régulièrement des tests. Des préservatifs (obligatoires) et des douches sont à disposition. » Chez Annie et Bernard, on est comme à la maison ! Enfin presque, car Annie est stricte sur le code vestimentaire : tenue correcte exigée ! Pantalons ou jeans, tee-shirts ou chemises et chaussures fermées pour les hommes. Pour mesdames, minijupes obligatoires. Et si vous n’en avez pas, on vous en fournit une ! « Mais certaines clientes préfèrent venir topless, en nuisette ou guêpières », précise-t-elle, un sourire coquin au coin des lèvres. Mylène Farmer aurait ajouté : « C’est nue que j’apprends la vertu ! »
Pour aller plus loin
Retrouvez Yumee et Andréa dans le podcast « En corps.. ! », dédié aux sexualités féminines antillaises. Deux saisons, 14 épisodes. Disponible sur Apple podcasts, Youtube, Google podcasts, Spotify, Arte audioblog…
Instagram/Facebook : @bybonikn
[1] Étude réalisée par l’Ifop pour le site de rencontres CAM4 en janvier 2017.
Par Bōni