Face à l’urgence climatique et au recul du trait de côte, la ville de Sainte-Anne, en Guadeloupe, a mis en œuvre des projets d’aménagement pour lutter contre l’érosion du littoral.
L’urgence
Le littoral subit de lourdes dégradations environnementales dues aux pressions naturelles (cyclone, montée des eaux, réchauffement climatique…) mais aussi aux actions humaines dont certaines sont pourtant réglementées, voire interdites (coupe des arbres, piétinement, élevage, camping, barbecue…). En 2021, la ville de Sainte-Anne a été lauréate d’un appel à projets lancé par l’Office français de la biodiversité (OFB) intitulé Mobbiodiv, expliquent Mariane Grandisson, élue chargée du développement durable et Garry Pisiou, ingénieur chargé de mission du littoral.
Les objectifs du projet
Les objectifs du projet sont la mise en place d’un véritable plan de gestion et de protection des zones fragilisées :
- Confortement des boisements en premier rideau littoral pour lutter contre l’érosion du trait de côte.
- Restauration écologique et confortement des corridors écologiques.
- Conservation des espèces indigènes devenues rares et menacées.
- Permettre la fréquentation des tortues en période de ponte.
Les 4 sites concernés
Ce projet concerne plus particulièrement quatre sites parmi les plus touchés de la commune : secteur Congo-Lambi, impasse du Chemin de la plage, falaise du Helleux, plage de Pierre et Vacances, dont les zones emblématiques de Bois Jolan accueillant beaucoup de public et du Helleux.
- Bois Jolan
La zone de Bois Jolan présente une diversité remarquable de milieux constituant un patrimoine naturel, particulièrement riche : bandes sableuses, forêt littorale, prairie sèche, forêt semi-décidue (chute partielle des feuilles), mangrove… regroupant plusieurs biotopes, à la fois aquatiques et terrestres. Cette diversité d’habitats est à l’origine d’une biodiversité exceptionnelle. Le site dispose notamment de deux ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique). Ces espaces naturels remarquables abritent des espèces végétales et animales rares, menacées et protégées. Par ailleurs, les bandes de sable sont des lieux de ponte des tortues marines. La végétation spécifique de ce milieu présente des propriétés stabilisatrices qui sont un enjeu primordial pour ces plages de sable fin sensibles à l’érosion.
Le recul du trait de côte de plus de 50 m est très marqué sur la plage de Bois Jolan où les systèmes racinaires des arbres demeurent exposés à l’air. Le site connaît une perte progressive de sa végétation arborée, principalement composée de cocotiers, raisiniers… L’absence de couverture végétale suffisante ainsi que le tassement intensif du sol par piétinement ou le passage régulier de véhicule en arrière-plage empêche tout renouvellement naturel de la couverture végétale pouvant piéger le sable et participe donc à l’érosion du site. Le projet Mobbiodiv prévoit de diminuer les traumatismes anthropiques et météorologiques (embruns salés, vents réguliers, cyclones…) subis par la végétation endémique.
- Le Helleux
Sur les falaises d’argile du Helleux, le phénomène d’érosion est visible, d’année en année. La restauration écologique passe par la replantation d’espèces indigènes arbustives basses. Cette restauration des forêts littorales, en replantant des espèces endémiques qui fixent naturellement le substrat terrestre, participe à la lutte contre l’érosion.
« Les propriétaires ont coupé la végétation »
« Nos parents avaient des terrains dans ce quartier. À l’époque, il n’y avait que trois maisons appartenant à trois familles. Petites, nous accompagnions nos parents à travers bois pour prendre un bain de mer et attacher les animaux. Depuis, beaucoup de terres ont été revendues dont celles qui ont vue sur mer. Les nouveaux propriétaires ont énormément coupé la végétation, ce qui fragilise beaucoup les falaises depuis les terres. Sans parler de l’érosion marine qui attaque les falaises. Il était urgent d’adopter un plan de sauvegarde de cet environnement pour ralentir le processus au maximum. »
Évelyne Vacher, riveraine du quartier du Helleux
et élue municipale en charge de ce quartier.
Les actions
Un projet territorial d’une telle ampleur demande l’intervention de nombreux acteurs. Avec pour maître d’ouvrage le Conservatoire du littoral, l’ONF a été sollicité pour son expertise et Emmanuel Gorjux du Service Biodiversité et Développement Durable a déterminé le choix des essences à replanter sur les sites de Bois Jolan et du Helleux selon leurs spécificités (essences endémiques et caractéristiques du milieu) : poirier pays, bois carré, bois nivrée, raisinier et catalpa bord de mer, palétuvier gris, mapou gris, mapou rouge, romarin bord de mer, Quadrella indica, prune bord de mer, romarin noir et blanc, scaévolia, bois de mèche, bois carré, mapou, acomat bâtard, herbe à corps, romarins, lépiné blanc.
Depuis le début des travaux de plantation et reboisement en octobre 2022, 110 plants ont été plantés sur le site de Bois Jolan et dernièrement une soixantaine sur les falaises du Helleux. Et, dans le cadre du projet « une forêt d’idées », une classe « aménagement paysager » du lycée agricole s’est jointe au projet. Une vingtaine d’élèves a participé aux chantiers de reboisement en mars 2023. Le suivi et l’entretien seront assurés par des agents municipaux durant 5 ans reconductibles et à raison de visites d’entretien et de taille des arbustes sur site tous les 3 mois.
Par Barbara Keller