Songe, jamalac, jamblon, bilimbi… Parmi nos fruits et légumes lontan se cachent de vrais trésors, injustement méconnus ou quasi-disparus.
Sur les marchés de La Réunion.
Bernard Grollier, Patrick Grenier,
Jean-Marc Grenier, éd Epsilon.
Ce n’est pas une mode, c’est une prise de conscience. Les fruits et légumes lontan retrouvent la cote ! Consommateurs et agriculteurs s’y intéressent et les marchés de La Réunion proposent à nouveau ces végétaux sur les étals. Selon Stéphane Foglia, fondateur de l’Arec, association pour le respect de l’environnement et le cadre de vie, les végétaux lontan ont 2 vertus essentielles. Primo, « sortir des habitudes créées par les lobbies industriels et la grande consommation. Consommer local, car on a tout ce qu’il nous faut sous la main ». Deuxio, manger mieux et moins cher. « Les légumes racines, comme la patate douce, le conflore et le songe sont très intéressants sur le plan nutritionnel. » Notamment pour les intolérants au gluten. Pour aller plus loin, un guide vient de paraître. Sur les marchés de La Réunion présente une cinquantaine de végétaux lontan. Ses auteurs, le journaliste Bernard Grollier et le photographe Jean-Marc Grenier (qui photographie les végétaux comme de vrais top models), constatent que « de nombreux Réunionnais ont perdu le contact avec les réalités rurales et les traditions créoles ». Heureusement, petits et grands ne demandent qu’à retrouver ces bonnes racines. Esther Lobet, qui anime des ateliers de « crusine », notamment en milieu scolaire, le constate souvent. Chaque événement qu’elle organise est un succès. Faire germer la mémoire de nos légumes et fruits lontan est donc nécessaire… tout comme les replanter. « Aujourd’hui, beaucoup survivent à petite échelle en marge des parcelles de canne à sucre, de maraîchage… Ou dans des cours et des jardins, qui deviennent peau de chagrin dans nos villes de plus en plus denses. Parfois, ils sont tout simplement cueillis dans la nature », explique Bernard Grollier. Jusqu’à ce qu’une route ou une construction ne signe leur arrêt de mort. C’est fort dommage pour ces trésors discrets. « Une pomme en l’air (hoffe blanche) ou un fruit à pain remplacent parfaitement une pomme de terre dans la plupart des recettes. Croquer dans un jamalac ou un jambose procure au moins le même plaisir que mordre dans une pomme », plaide l’auteur. Pendant 2 ans, lui et son photographe ont arpenté les cours et marchés et posé mille questions de gourmands. Quel goût a cet étrange légume ? Comment se cuisine-t-il ? Les réponsessont une mine d’infos utiles ou étonnantes. En voici un florilège.
Des fruits bien défendus !
Saviez-vous, par exemple, que la fibre intérieure de la pipangaille mûre, bien séchée, était autrefois utilisée comme éponge à vaisselle ou comme torchon ? D’où son surnom de « liane torchon »… revenue à la mode sous le nom de loofah.
Avez-vous déjà croqué dans un jamalac , délice en forme de petite poire et au goût de pomme fraîche ? Essayez, c’est divin.
Savez-vous que le jamblon colore la bouche en violet grâce à l’anthocyanine, un puissant colorant ?
Vous prendrez bien une petite devinette en dessert ? Qui est blanche quand elle est verte, puis devient rose et rouge, et enfin noire quand elle est mûre ? C’est la mûre , dans sa variété blanche. Il en existe aussi une noire. On la cultivait à l’origine pour nourrir les vers à soie. Mais les tentatives de magnanerie (élevage de vers à soie) ont toutes échoué...
Quel est le fruit le plus attendrissant du monde ? La papaye qui contient de la papaïne, une enzyme qui casse les protéines. Une viande un peu dure marinée dans la papaye verte hachée pendant quelques heures devient tendre à souhait.
Une colle (mais pas la colle jaque, promis !) pour les amateurs : peut-on mesurer la force d’un piment ? Oui. C'est la concentration de capsaïcine qui détermine la force du piment. Notre piment z’oiseau est classé 8/9 sur l’échelle de Scoville, qui va de 0 à 10 !
Qui attire les endormis qui se délectent des nombreux insectes butineurs lors de sa floraison ? Le bilimbi . De plus, comme sa cousine la carambole, il est riche en acide oxalique et on l’utilisait jadis comme détachant, antirouille, ou pour lustrer l’argenterie et les cuivres.
Le massalé contient de la coriandre, du poivre noir, du cumin, de la cardamome, de la muscade râpée, des clous de girofle, de la cannelle en poudre, du piment et ? Des graines de méthi, ou fenugrec. Elles sont aussi présentes dans le ras-el-hanout.
Quel est l’autre nom de « l’ arbre trois caris » ? Le pied de mouroungue (moringa). On mange à la fois les fleurs, les feuilles (brèdes médaille) et les bâtons. Il fait l’objet de nombreuses recherches pour sa richesse nutritive (ses feuilles sont riches en protéines) et ses autres vertus, entre autres médicinales.
Quelles sont les 2 façons de manger le jujube ? Frais ou séché. Dans le premier cas, lorsque la peau du fruit est encore verte, sa chair est croquante et son goût rappelle la pomme. Une fois séché, il devient très sucré, prend une couleur rouille et se fripe. Il ressemble alors à la datte, dont il partage les mêmes qualités énergétiques. Il existe une autre utilisation : son noyau, dont l’huile est utilisée par les secteurs pharmaceutique, cosmétique et même industriel dans certains pays.
Qui appelle-t-on « caca poule » ? La sapote, en raison de sa couleur et de la texture de sa chair. À ne pas confondre avec la sapotille. Elle est de la même famille que le kaki.
Quant au « caca de chat », vilain surnom du mambolo, ne vous fiez pas à son odeur fétide quand il est mûr, ce fruit est délicieux en rhum arrangé !
Caroline Fiat (fév/mars 2017)