Chaque année, les baleines, dauphins et cachalots sont attendus avec impatience dans nos eaux. Une équipe de chercheurs et de techniciens a mis en place un dispositif d’écoute sous-marin à l’échelle de la Caraïbe.
Les fonds marins de la Caraïbe sont désormais sur écoute pour mieux connaître et protéger les mammifères marins reconnaissables à leurs chants respectifs. « Le dauphin siffle de manière très aiguë. C’est presque des ultrasons. Le cachalot fait des cliquetis, tic tic tic, alors que la baleine à bosse émet des meuglements, des sifflements avec une très grande tessiture (ensemble des notes pouvant être émises, NDLR) », précise Laurent Bouveret, observateur assidu des océans, membre de l’Observatoire des mammifères marins de l’archipel guadeloupéen (Ommag) et intervenant dans ce projet d’étude international.
Observation acoustique
Les scientifiques de ce projet ont opté pour la surveillance acoustique afin d’obtenir un suivi optimal et continu, puisque l’observation visuelle est difficile à mettre en place. Et, la qualité d’un dispositif de vidéo-surveillance dépendrait trop de la clarté de l’eau. « Des Bermudes au nord, jusqu’à Aruba (île néerlandaise) et Bonaire au sud, en passant par la Martinique et la Guadeloupe, une vingtaine de micros ont été installés », explique Gérald Mannaert, salarié en Martinique de l’Office français de la biodiversité, responsable de ce projet européen nommé Cari’Mam. Ces micros sous-marins sont programmés pour enregistrer 60 s de son, toutes les 4 min pendant 40 jours. Une mine d’informations stockées sur une petite carte informatique, qu’il faut aller récupérer sur l’hydrophone installé au large.
22 espèces
Chaque mois, une équipe de techniciens et de chercheurs se rend en mer pour recueillir ces données. Thibaud, membre de l’Ommag, et Julien Athanase de l’Association de protection de l’environnement Tité, s’équipent de bouteilles d’oxygène. Le micro étant situé à une vingtaine de mètres de profondeur, il faut plonger. Laurent Bouveret les assiste, et précise : « En Guadeloupe et dans les petites Antilles, il y a 22 espèces de mammifères marins documentées, pas mal de delphinidés (famille comprenant notamment les dauphins, les globicéphales et les orques, NDLR). Il y a beaucoup d’espèces, mais peu d’individus, qui sont parfois difficiles à observer. Maintenant, on pourra les entendre ! »
Technologie fine
Les sons récupérés sont transmis au Lis, le laboratoire d’informatique et des systèmes de l’université de Toulon, qui dresse les paysages acoustiques sous-marins des Antilles. En relation avec le représentant de l’Office français de la biodiversité, l’équipe de 10 chercheurs a travaillé à la conception de l’hydrophone et réalise l’analyse des sons dont les enregistrements mensuels représentent 150 h en moyenne. Et puisque les micros captent tout, ces enregistrements sont aussi des révélateurs de la vie dans les fonds marins, « pour déceler les mouvements sismiques, la présence humaine, à travers le bruit des moteurs des bateaux. On peut même détecter la vie ou la mort des coraux, puisqu’un corail mort ne fait plus de bulles… », souligne Gérald Mannaert.
15 territoires et 9 pays
Alors, pour optimiser le classement des données de toute cette agitation sous-marine, les chercheurs du laboratoire de Toulon ont conçu des algorithmes facilitant la reconnaissance des sons. « Les données récoltées vont permettre de combler des manques de connaissances importants sur la présence, la distribution et les déplacements des cétacés dans la Caraïbe », précise l’étude Cari’Mam. Au total, 15 territoires de 9 pays participent à ce projet. Ainsi, une première cartographie sonore devrait être dressée à la fin de l’année 2021. Un véritable travail de coopération internationale pour mieux protéger les eaux de la Caraïbe et ses habitants.
Par Bénédicte Jourdier