Au même titre que la respiration, l’alimentation ou le repos, la sexualité est considérée comme un besoin physiologique fondamental (Maslow). Mais, est-elle si essentielle ?
S’il est bien un domaine fait de préjugés, d’idées reçues et de non-dits, c’est celui de la sexualité. Pour beaucoup d’entre nous, le sujet relève de l’intime et donc du secret. Par sexualité, il faut entendre « l’ensemble des comportements relatifs à la satisfaction de l’instinct sexuel » (Le Robert), soit la masturbation, les rapports sexuels, la sexualité sans pénétration, le sexe oral… En réalité, il semble par exemple que nous faisons moins l’amour que nous le prétendons, à l’encontre d’une moyenne nationale française qui vante deux rapports et demi par semaine. Le contexte Covid a grandement contribué à l’étiolement des rapports humains.
Besoin de base
Si la sexualité est un besoin de base, alors vivre sans sexe, s’abstenir, peut-il avoir des effets psychologiques et physiologiques néfastes ? Certaines étapes de nos vies nous obligent à nous éloigner de la sexualité. Un navigateur qui effectue une traversée de l’Atlantique en solitaire délaisse, par exemple, la fonction sexuelle, par manque de temps et par la nécessité d’une attention extrême et constante. Et son organisme s’adapte, produit moins de testostérone. Si ne pas avoir de sexualité était grave, une partie non négligeable de la planète serait malade. En réalité, l’abstinence n’est pas dangereuse quand elle est bien vécue. C’est notamment le cas pour les asexuels.
Source de frustration
Mais si elle n’est pas choisie ou si elle est empêchée, comme dans le handicap, la maladie, un séjour en prison ou un célibat de longue durée, elle peut être source de frustration et de souffrance. « Il y a eu une période de ma vie, de 24 à 29 ans, où, après une blessure, je n’ai pas eu de sexualité partagée pendant 5 ans. Le manque essentiel, c’était le manque de toucher, de tendresse. Ça n’excluait pas la masturbation, mais j’ai perdu l’habitude d’entrer en contact avec l’autre, de me laisser approcher. J’ai perdu confiance en moi et je me suis finalement coupée de cette part de moi, comme pour ne plus ressentir. Un jour, j’ai eu rendez-vous chez un ostéopathe et quand il m’a touchée, ça m’a rappelé ce manque vertigineux, car nous sommes des êtres de contact. Et je me suis souvenue, pour ne plus jamais oublier », témoigne Naïma, 35 ans.
Sous pression
« On a une sexualité qui n’a plus de temps mort. On est sous pression tout le temps. Il faudrait ne jamais s’arrêter et si on le faisait, ce serait forcément un échec personnel, un échec de couple. Et on sait que ça ne marche pas, parce que c’est l’absence qui crée le désir. Sans absence, on banalise la sexualité et on peut même développer une forme d’indifférence. Si le plaisir est toujours disponible, alors la sexualité n’a plus de valeur », exprime Maïa Mazaurette, auteure spécialiste des questions de sexualité. Se passer de sexualité est parfois considéré comme une anomalie sociale, alors on tait, on ment, on s’invente des performances.
Faire des pauses
Pourtant, comme dans tout, la tempérance, l’attente et les pauses ont du bon. La vraie question est peut-être de savoir donc comment vivre ou retrouver une sexualité de qualité. « Nous n’avons pas tous les mêmes besoins. On a des histoires, un cheminement. Moi, je ne ressens pas d’envie sexuelle avec un homme, maintenant. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu’il y a un âge. Je sens en fait qu’il y a quelque chose de tellement magique à vivre que je me réserve pour ça si ça doit m’arriver, mais je ne me sens pas frustrée. Que cherche-t-on finalement chez l’autre ? », questionne Maryse, 58 ans.
Complétude
En prenant de la hauteur par rapport au dispositif « sexualité », on s’extrait de ce qui est construit, de ce qui est normé. En se reliant à soi, à celui qu’on est vraiment, à ce que l’on veut, on parvient à une sorte de complétude. On peut alors rencontrer l’autre, vraiment, si besoin est. Il n’est plus alors question de domination, de réussite mais, plutôt de magie. C’est là que s’exerce une réelle présence à l’autre, que la sexualité peut devenir un domaine d’exploration partagé, essentiel.
Par BM