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Santé : quelle coopération caribéenne ?

Black female physician
Elements Envato
Si la coopération caribéenne en termes de santé existe depuis des années, les échanges et les réseaux se renforcent encore avec le projet Interreg Cares. Il vise à structurer l’accès aux soins des patients de la Caraïbe, à valoriser le savoir-faire et la technicité, et à mieux appréhender les problématiques communes.

Dès 2013, des missions exploratoires ont été mises en place en vue de créer un projet de grande envergure. Même si, comme le souligne Gilles Raguël, chargé de projet et coordinateur Interreg Cares, « la coopération en matière de santé existe déjà depuis des années ». Par exemple, l’association Carest travaille depuis longtemps sur le dépistage et le suivi de la drépanocytose dans la Caraïbe… Il y a aussi le projet porté par le CHU, dans le précédent programme opérationnel Feder/Interreg pour la mise en place d’un observatoire du VIH. La volonté des acteurs est alors d’élargir la perspective sans s’en tenir à la seule problématique VIH. Ouvrir l’offre de santé et le champ de la coopération avec des thématiques ou des spécialités reposant sur un savoir-faire existant.

Savoir-faire reconnu

« Les perspectives sont intéressantes et des coopérations fonctionnent déjà. Les îles françaises sont motrices du fait des outils dont elles disposent. » Cares est donc désormais le fer de lance de l’implication des territoires français dans la coopération Caraïbe, avec de grands axes, tels que la télémédecine, le dépistage du cancer (Tep Scan), le dépistage de la drépanocytose et du VIH, la chirurgie orthopédique, pédiatrique, la cardiologie, l’ophtalmologie, l’accès aux laboratoires, la prise en charge des personnes âgées ou encore les urgences. L’idée est de mettre en avant le plateau technique français au profit de nos voisins caribéens qui ne disposent pas toujours des infrastructures ou des technologies nécessaires à une prise en charge donnée. Faire en sorte que tous les patients caribéens qui jusqu’alors se tournaient vers des destinations comme les États-Unis ou Porto Rico, aient l’équivalent à moindre coût au sein des infrastructures françaises dont le niveau est reconnu mondialement. Le nouveau CHU de la Guadeloupe s’intègre d’ailleurs dans ce projet, de même que de nombreux acteurs locaux, structures, institutions ou partenaires de l’ensemble des territoires français des Amériques.

Valoriser et rentabiliser

« Il s’agit aussi d’utiliser le potentiel des outils existants et d’élargir le volume de patients accueillis afin de mieux amortir nos structures et de disposer de seuils d’activités qui valident les compétences de nos meilleurs spécialistes. » Le Tep Scan, à proximité immédiate de l’aéroport Pôle Caraïbe en Guadeloupe, accessible en ambulatoire, n’est actuellement utilisé qu’à 50 % de sa capacité. Ce qui laisse d’intéressantes perspectives de développement. Son positionnement stratégique lui permet d’accueillir les patients caribéens. Il est toutefois nécessaire d’aborder en amont les questions de tarification, de prise en charge des patients, d’accueil, d’accompagnement linguistique…

« L’idée est de partir du dispositif tel qu’il existe, explique Gilles Raguël, en identifiant les améliorations nécessaires. Car, même si le parcours de soin n’est pas encore clairement organisé, des patients sont déjà accueillis régulièrement. Une partie du travail consistera donc à avoir de vrais échanges en amont avec les médecins, les ministères des pays d’origine des patients pour faciliter leur prise en charge dans les hôpitaux de Guadeloupe et de Martinique, et obtenir la garantie qu’il y aura un règlement des frais engagés. Il n’est bien sûr pas question de fragiliser l’équilibre financier des établissements de santé, tout en traitant aussi bien le patient caribéen que le patient français ». Cares envisage une tarification unifiée et un processus de facturation, mais aussi la création d’un numéro unique d’identification sur le modèle de la carte Vitale. « Le patient présentera à son arrivée dans l’établissement de santé aux Antilles françaises une carte avec un numéro d’identification unique des patients de l’OECO, garantissant sa prise en charge, mais aussi la fiabilité des informations personnelles et une traçabilité médicale. La CGSS de Guadeloupe y travaille. » 

Doctor asking patient to open mouth
Nouveau statut

La coopération est le mot clé. Elle concerne autant l’accueil de patients que l’ouverture ou le renforcement d’espaces communs d’échanges en matière de recherche, d’expertise et de réseaux, pour les médecins, professeurs, chercheurs, spécialistes. Beaucoup d’échanges se font déjà de manière informelle. Ce cadre va permettre de formaliser les échanges, de créer de vrais réseaux, une permanence de la recherche. En février 2019, un congrès d’oncologie a mis en relation des intervenants de toute la Caraïbe, avec la volonté de créer un registre commun concernant le cancer. L’idée est bien sûr d’identifier des problématiques communes. Au programme également, la formation à distance dans le cadre d’échanges entre équipes de chercheurs et médecins, mais aussi le diagnostic à distance, une plateforme e.santé… Jusqu’à maintenant, en tant que départements français, Guadeloupe et Martinique bénéficiaient d’un simple statut de membre consultatif au sein de l’OECO. Ce projet Cares renforce de fait l’intégration de ces territoires, leur permettant de peser plus lourd sur les décisions, d’avoir une vraie voix, ce qui est d’une importance capitale compte tenu des enjeux sanitaires, de la lutte anti-vectorielle, des maladies émergentes et des possibles épidémies. Cela permettra en cas de crise sanitaire notamment, de pouvoir proposer une stratégie commune dans une vraie dynamique de partenariat, pour apporter des solutions efficaces dans la concertation. Cela renforce également une dynamique de liens autour de problématiques communes ou proches, dans les domaines autant liés à la santé qu’économiques ou sociétaux.

De multiples acteurs

Le projet Interreg Cares est issu de la collaboration entre les institutions publiques et privées du secteur de la santé en Guadeloupe et en Martinique et l’OECO. Il inclut d’une part les Agences régionales de santé de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Martinique, les CHU de Guadeloupe et de Martinique, le Centre Hospitalier de la Basse-Terre, le Centre Hospitalier Maurice Selbonne, les GCS Caraïbes et Archipel, la Clinique des Eaux Claires et l’Association Carest. D’autre part, l’OECO et six états membres sont également partenaires du projet (Sainte-Lucie, la Dominique, la Grenade, Saint-Vincent et les Grenadines, Antigue et Barbude, les Îles Vierges britanniques, Anguille, Montserrat). Piloté par l’ARS de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ce projet totalise un budget de près de 5 millions d’euros financés par des fonds européens.

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