Une étude martiniquaise publiée en juillet 2022 dénonce la dangerosité des émanations des sargasses pour les femmes enceintes. Des conclusions sur lesquelles les autorités de santé ont émis quelques réserves…
Début juillet 2022, des chercheurs martiniquais révèlent les dangers de l’hydrogène sulfuré pour les femmes enceintes. Il pourrait potentiellement déclencher l’apparition précoce de la pré-éclampsie. Cette pathologie provoque, entre autres, une élévation de la pression artérielle mettant en danger la femme enceinte comme le fœtus. De quoi inquiéter, vu les nombreux échouages aux Antilles.
Causalité non établie
Mais l’étude du Dr Donatien Bahezre de Lanlay (publiée dans la revue Environmental Toxicology and Pharmacology) n’en est qu’à ses débuts. Et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et la Direction générale de la sécurité émettent quelques réserves : « Conclusion très prudente, causalité non établie, interrogation sur le choix du modèle statistique, absence de données sur la représentativité de l’échantillon. » À défaut de constantes sur le taux d’hydrogène sulfuré dans l’air, les chercheurs se sont basés sur « une notion de distance », explique un des auteurs, le Dr Rémi Nevière du CHU de Martinique. L’exposition à la toxicité des sargasses reste donc relative. L’analyse porte sur 3 020 femmes enceintes entre 2016 à 2020, dont 653 seulement vivent à moins de 2 km des côtes. Parmi elles, 6,4 % ont déclenché une pré-éclampsie. « Un pourcentage faible de complication, et tant mieux ! », commente le Dr Nevière.
Pression artérielle
Si ces résultats préliminaires ne doivent pas affoler, ils peuvent cependant inciter à considérer les émanations de sargasses comme étant un potentiel facteur de risque de la pré-éclampsie. Autrement dit, les chercheurs invitent les « femmes enceintes qui auraient déjà du diabète ou de l’hypertension, avec une moyenne d’âge de 29 ans et plus, à être encore plus attentives si elles sont exposées au gaz qui s’échappe des sargasses en putréfaction, l’hydrogène sulfuré ». Le Dr Nevière précise que « lors du troisième trimestre de grossesse, il faut être attentif aux petits signes annonciateurs comme la pression artérielle, l’apparition de petits œdèmes au niveau des yeux et des chevilles ».
Suivi toxicologique
En attendant des résultats complémentaires d’ici la fin de l’année 2022, notamment avec les équipes de Gwad’air et Madininair, qui surveillent la qualité de l’air en Guadeloupe et en Martinique, l’équipe de recherche espère collaborer davantage avec les Agences régionales de santé des deux départements. « Nous souhaitons la mise en place d’une vigilance des ARS et le suivi toxicologie clinique au CHU de Guadeloupe » pour compléter le travail entamé en Martinique, conclut le Dr Dabor Résière, de l’équipe de recherche cardiovasculaire de l’Université des Antilles françaises de Fort-de-France. Car, concernant la toxicité des émanations des sargasses, « il y a encore beaucoup à faire, notamment pour les asthmatiques, les insuffisants cardiaques et les enfants ».
Par Bénédicte Jourdier