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Sport haut niveau : quelle place pour les transgenres ?

Quelle place pour les transgenres ?
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Depuis 10 ans, les athlètes hyperandrogènes bouleversent les podiums des compétitions mondiales d’athlétisme. Plus récemment, une haltérophile transgenre a participé aux JO de Tokyo, avec les femmes. Faut-il instaurer une nouvelle catégorie ou les exclure des compétitions ? Débat.

À la fin des années 2000, une jeune Sud-Africaine inconnue de 18 ans fait une entrée fracassante dans le monde de l’athlétisme. Caster Semenya remporte, à la surprise générale, l’or sur 800 m aux Championnats du monde d’athlétisme de Berlin, le poing levé. Immédiatement, son physique et sa voix étonnent. Elle présente un corps athlétique d’homme, sans poitrine. Après les scandales de dopage, World Athletics, la Fédération internationale d’athlétisme, doit gérer cette nouvelle polémique. Les meilleures coureuses de demi-fond trouvent injuste de ne pas pouvoir lutter à armes égales avec cette athlète aux traits masculins, qui les surclasse en puissance dans l’ultime ligne droite.

Homme à la naissance

Pour les athlètes transgenres, c’est-à-dire ayant changé de sexe, l’avantage sportif n’est possible que pour des hommes ayant fait une opération pour devenir femmes. Toujours pour l’avantage que leur donne la sécrétion d’hormones mâles. C’est le cas de l’haltérophile Laurel Hubbard qui concourait dans la catégorie des plus de 87 kg et qui était un homme à sa naissance. L’opération, consistant en l’ablation de ses gonades mâles (lieu de sécrétion de la testostérone), qu’il a subie, modifie son métabolisme, et efface en 1 an l’avantage de ces hormones.

Bataille juridique

Que doivent faire les instances sportives ? Faut-il jouer la carte de l’inclusion de tous, quel que soit le genre ? Ou imposer des normes hormonales, afin de garantir un principe d’équité, en termes de capacités musculaires ? Sébastian Coe, le charismatique président de World Athletics, clame que des principes d’équité et de fair-play entre les femmes doivent prévaloir. La fédération impose donc à Caster Semenya de se soumettre à un « test de féminité ». Les examens médicaux sont sans équivoque : ils montrent qu’elle est intersexuée car atteinte d’hyperandrogénie. Son corps, qui produit naturellement un taux élevé de testostérone, lui offre une puissance musculaire supérieure aux autres femmes dont les ovaires en fabriquent moins.

Quelle place pour les transgenres ?

Dès lors, une longue bataille juridique qui va durer 10 ans s’engage entre World Athletics et les athlètes hyperandrogènes, Semenya à leur tête. Dans un premier temps, celle-ci remporte des victoires sur le terrain juridique, ce qui lui permet de continuer à concourir avec les autres femmes. Elle se bâtit un palmarès impressionnant, en gagnant deux fois les JO sur 800 m, en 2012 et 2016.

Traitement hormonal

World Athletics décide alors de mettre en place un règlement limitant le taux de testostérone chez les athlètes féminines, avec l’approbation du Comité international olympique. Les athlètes hyperandrogènes doivent subir une opération ou un traitement hormonal pour diminuer leur taux, afin d’être autorisées à prendre part aux compétitions internationales. Mais ce règlement est suspendu pour 2 ans par le Tribunal arbitral du sport en juillet 2015, en attendant des preuves scientifiques du rôle de la testostérone dans la performance sportive. Grâce à cette décision, trois athlètes hyperandrogènes trustent le podium du 800 m féminin des JO de Rio. Incroyable ! Les athlètes transgenres devant, les autres derrière.

Taux de testostérone

Quelle place pour les transgenres ?

Mais, en 2019, c’est la Fédération internationale d’athlétisme qui remporte une victoire juridique majeure : la Cour suprême suisse confirme, au nom de l’équité sportive, le choix de World Athletics, qui astreint tout athlète hyperandrogène à un traitement destiné à faire baisser son taux de testostérone. Désormais, Caster Semenya devra suivre un traitement si elle veut s’aligner sur le 800 m. Ce qu’elle a toujours refusé de faire.

Un seuil maximal de testostérone

La testostérone que les hommes sécrètent leur procure 30 % de puissance en plus que les femmes. C’est ce qui explique leurs performances supérieures, dans les sports où la force musculaire intervient. À l’aune de ces éléments, la Fédération d’athlétisme a défini en avril 2018 un seuil maximal de testostérone (5 nmol/l de sang) aux hyperandrogènes pour concourir avec les femmes sur des distances allant du 400 m au mile (1 609 m), et englobant donc le 800 m où la Sud-Africaine Caster Semenya excelle. Ainsi, avec ces taux abaissés, l’équité entre athlètes hyperandrogènes et les femmes est rétablie.

Catégorie ouverte

transgenres sport

Le débat autour de l’inclusion des transgenres ou des athlètes hyperandrogènes dans le sport féminin divise encore aujourd’hui l’opinion. La prochaine décennie devrait voir émerger une nouvelle catégorie, celle des sportifs transgenres, à l’image des fédérations de natation et de cyclisme. En effet, dès 2023, lors des compétitions de natation, les athlètes transgenres pourraient concourir dans une catégorie dite « ouverte », selon la Fédération internationale de natation qui espère devenir pionnière en matière d’inclusion dans le monde du sport. Cette fédération envisage la mise en place d’une « catégorie ouverte » pour les athlètes assignés hommes à la naissance et devenus femmes. Ils ne participeront donc plus aux compétitions féminines. Et la fédération de cyclisme envisage de lui emboîter le pas.

Par Bruno Coutant, professeur de sport au Creps Antilles-Guyane

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