Le triangle dramatique, ou triangle de Karpman, est un outil intéressant qui permet de mieux comprendre ce qui se joue dans nos rapports aux autres. Dans notre vie quotidienne, nous sommes souvent les acteurs de jeux de rôles inconscients. Rideau !
Tout le monde joue à ce jeu psychologique mais de manière inconsciente ! Chacun endosse un rôle et celui-ci n’est pas fixe. On peut ainsi changer à tout moment, en fonction des personnes avec qui l’on communique et en fonction des situations. Nous pouvons passer facilement de la victime au persécuteur ou au sauveur. C’est là toute la subtilité de ce jeu, analysé par le psychologue américain Stephen Karpman dans les années 1970. Mais pourquoi un tel jeu ? Parce que chacun y trouve un intérêt ! Dans ce jeu inconscient, aucun des trois acteurs ne veut changer de rôle, car chacun en retire une satisfaction personnelle et un certain équilibre (qui peut être très malsain parfois). Autrement dit, la victime se plaît dans son costume, à se plaindre perpétuellement de son triste sort ou de sa malchance. Le persécuteur continue d’enfoncer la victime pour étancher sa soif perverse. Et le sauveur fait semblant d’aider la victime. La vie est une pièce de théâtre ! On retrouve ce fil rouge dans les contes dramatiques pour enfants. Par exemple, Blanche Neige (victime), la belle-mère (persécuteur) et le prince (sauveur).
La victime
On peut se demander quel bénéfice peut tirer la victime. Elle semble avoir une place désagréable. Et pourtant, elle est en haut du triangle ! La victime attire l’attention sur elle. Elle a un besoin narcissique d’attirer les regards, d’exister, et un égocentrisme dévorant. Le but étant d’attirer un sauveur. Ce sont très souvent des personnes qui ont des carences affectives et ont besoin de protection, de compassion, d’attention. La victime aime se plaindre, extériorise ses affects et ses souffrances à outrance. Et surtout, son ambivalence ultime est de ne faire aucun effort pour changer son triste sort ! Surtout ne pas reconnaître ses torts ni ses responsabilités. La faute est au persécuteur. La victime balance des phrases de type : « tu ne viens jamais me voir », « je fais tout bien et je récolte toujours le mal », « je n’ai pas de chance. » Des phrases négatives qui cherchent à culpabiliser et attendrir les autres.
Le persécuteur
Le persécuteur, ou le bourreau, trouve son intérêt dans la libération des pulsions agressives sur quelqu’un d’autre (la victime). Il le fait pour obtenir quelque chose en retour, un bénéfice secondaire. C’est souvent à travers un comportement de domination. Le but est d’avoir une emprise, un ascendant sur l’autre. Le persécuteur établit les règles, impose sa dictature, aime diriger et corriger dès le premier faux pas, la moindre erreur. C’est un mini-dictateur à l’œuvre ! Il ne pardonne pas et n’hésite pas à tenir des propos dévalorisants et humiliants pour déstabiliser son adversaire, faire culpabiliser et mettre la victime en position d’infériorité. Ce rôle de bourreau cache en fait une faille narcissique. Il a besoin de descendre les autres pour se sentir exister. Ses phrases favorites sont : « tu ne fais pas assez bien », « je te le dis toujours. »
Le sauveur
Il semble plus évident de vouloir tenir le rôle du sauveur. C’est assez gratifiant. Cela permet d’avoir une bonne image de soi, et surtout auprès des autres ! Il retire beaucoup de satisfaction à voir que les autres lui font confiance et de constater qu’ils deviennent dépendants de lui. Le sauveur a donc la « toute puissance héroïque » du contrôle. C’est là toute la perversité cachée de ce rôle. Le sauveur place sa victime en incapacité de s’en sortir sans lui. C’est ce qu’on appelle l’emprise. Le plus souvent, le sauveur est une ancienne victime. Le sauveur n’a donc aucun intérêt à ce que la situation s’arrange puisqu’il n’aurait plus aucune raison d’exister et perdrait tous ses avantages. Le sauveur fait donc semblant d’aider la victime. On le distingue bien entendu des « sauveteurs » : pompiers, secouristes, psychologues, qui eux, passent à l’action et améliorent la situation dans un vrai but bienveillant.
Comment se sortir de ce triangle infernal ?
Pour commencer, il faut prendre conscience de son propre rôle et de celui des autres. Ce qui se joue n’est pas forcément la réalité mais une interprétation de la réalité. Il faut casser le schéma et les habitudes. C’est la répétition des scénarios qui devient destructrice.
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Si vous avez tendance à vous plaindre et à vous reconnaître dans le rôle de la victime, devenez acteur de votre vie ! Vous êtes responsable de votre bonheur. Cessez d’attendre tout des autres, trouvez vos solutions.
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Si vous avez tendance à être agressif et à vous reconnaître dans le rôle du persécuteur, vous devez apprendre à gérer votre colère lorsque vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un ou déçu de l’autre. La communication non violente est bien plus efficace. La gestion émotionnelle fait partie du développement personnel.
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Si vous avez tendance à vouloir sauver les autres, arrêtez ! Aider quelqu’un ce n’est pas le sauver ! Surtout, observez si la personne vous adresse une demande d’aide, et surtout imposez-vous des limites. C’est vous d’abord !
Apprenez à observer les autres et à identifier quel rôle ils jouent. Et pour vous sortir d’une situation difficile, réagissez en « miroir ». Si la personne joue la victime, jouez-la aussi. Si la personne joue le persécuteur, jouez-le aussi ! C’est une très bonne tactique pour faire cesser le jeu. Le message est clair : « trouve-toi un autre partenaire de jeu ! » Rester bienveillant, neutre, stable, montre que l’on ne se laisse pas prendre au jeu et par conséquent que l’on ne se laisse pas manipuler.
Par Mandy Coubard, psychologue clinicienne, conseillère en naturopathie